Changements climatiques et santé - Bulletin sur l'adaptation

Numéro 1
Novembre 2009 - (Révisé novembre 2010)
ISSN : 1920-2717

L'effet des îlots de chaleur urbains : causes, impacts sur la santé et stratégies d'atténuation

Qu'est-ce qu'un îlot de chaleur urbain?

Le terme « îlot de chaleur » qualifie les zones bâties plus chaudes que les zones rurales environnantes. La température moyenne de l'air dans une ville d'un million d'habitants ou plus peut être 1 à 3 °C supérieure aux secteurs avoisinants. Durant la nuit, cette différence de température peut atteindre 12 °C (Oke, 1987).

Environ 80 % des Canadiens résident dans les milieux urbains où les bâtiments (par leur conception et leur densité) et les modifications apportées par l'homme au milieu ont une influence significative sur l'atmosphère. L'urbanisation altère le milieu : couverture des sols, modifications des propriétés physicochimiques de l'atmosphère (smog) et émission de polluants atmosphériques due à une forte densité du trafic routier.

Des îlots de chaleur peuvent se former dans toute zone bâtie, mais le phénomène touche particulièrement les grandes villes où les surfaces tendent à absorber le rayonnement solaire en grande quantité le jour, pour relâcher la chaleur absorbée durant la nuit.

Pourquoi y a-t-il des îlots de chaleur urbains?

Les surfaces naturelles, telles que la végétation, absorbent une part relativement importante de l'énergie solaire qui est utilisée dans le processus d'évapotranspiration (génération de l'humidité) et contribue alors au refroidissement de l'air. À l'inverse, les espaces bâtis se composent en grande partie de matériaux de construction hydrofuges non réfléchissants. Par conséquent, elles ont tendance à absorber une part importante des rayons du soleil, qui sont ensuite relâchés sous forme de chaleur.

Là où des bâtiments sont construits à la place d'une couverture naturelle du sol (un parc, par exemple), le processus de refroidissement dû à l'évaporation s'en trouve diminué. En même temps, l'urbanisation des zones rurales entourant les villes restreint l'air frais transporté par les systèmes de circulation atmosphérique de rejoindre le centre urbain. Ce processus de refroidissement atmosphérique est normalement généré par la différence de température entre les zones rurales fraiches et les zones urbaines chaudes.

En outre, certaines dispositions et tailles de bâtiments situés le long de rues étroites peuvent former ce que l'on appelle des « canyons urbains ». Ces derniers empêchent les surfaces de bien renvoyer vers l'espace les rayons solaires réfléchis. Les murs des bâtiments absorbent alors l'énergie émise des rayons solaires en question. Les routes asphaltées, les trottoirs en ciment et les aires de stationnement tendent aussi à absorber les rayons du soleil et à les relâcher sous forme de chaleur.

Facteurs responsables de l'accentuation des effets des îlots de chaleur urbains.

Cette figure schématise les différents facteurs qui sont responsables de l'accentuation des effets des îlots de chaleur urbains. L'urbanisation affecte l'environnement en couvrant la surface du sol, laissant peu de place à la végétation. Généralement, les surfaces naturelles, telle que la végétation, absorbent une proportion relativement importante de l'énergie solaire pour l'utiliser à travers un processus d'évaporation (libération de l'humidité) qui contribue à refroidir l'air du voisinage. La plupart des surfaces construites sont composées de matériaux non-réfléchissant et imperméable, de sorte qu'ils ne reflètent qu'une infime partie des radiations solaires reçues au cours de la journée. La plus grande proportion de ces radiations est alors libérée sous forme de chaleur pendant la nuit. En outre, l'arrangement et la taille des bâtiments forment ce qu'on appelle un canyon urbain qui empêche les surfaces urbaines de réfléchir les rayonnements vers l'espace. La chaleur de sources anthropiques provenant des systèmes de climatiseurs et des véhicules contribue également à hausser la température des centres urbains.

Gracieuseté de J. Forkes, 2009
L'albédo
(ou réflectance) désigne la capacité d'un matériau de réfléchir la lumière du soleil, mesurée sur une échelle allant de zéro à un. Par exemple, le matériau qui présente un faible albédo absorbe la majeure partie des rayons solaires.

D'autres facteurs figurent parmi les causes possibles de l'effet des îlots de chaleur urbains, par exemple les polluants atmosphériques, qui interceptent, absorbent et renvoient les rayons du soleil dans les basses couches de l'atmosphère, et la chaleur résiduelle dissipée par les appareils de climatisation, les procédés industriels et les véhicules motorisés.

Impacts sur la santé

Les vagues de chaleur, ou canicules, amènent une température anormalement élevée et un temps souvent humide, et se révèlent dangereuses pour certaines personnes. Elles risquent d'augmenter le taux de mortalité et de morbidité lié à la chaleur. Selon les Centers for Disease Control and Prevention, de 1979 à 2003 aux États-Unis, l'exposition à une chaleur excessive a constitué un facteur d'aggravation dans plus de 8 000 morts prématurées. C'est supérieur au nombre de décès attribuables aux ouragans, à la foudre, aux tornades, aux inondations et aux séismes réunis ensemble (Luber et coll., 2006).

Comme ils font augmenter la température le jour et nuisent au refroidissement la nuit, les îlots de chaleur peuvent amplifier les effets des vagues de chaleur. Les groupes de personnes vulnérables à la chaleur, par exemple les enfants, les personnes âgées et les personnes atteintes d'une maladie chronique, risquent particulièrement d'en souffrir : un malaise général, difficultés respiratoires, crampes de chaleur, épuisement, coups de chaleur, voire décès. Les îlots de chaleur urbains modifient aussi les caractéristiques thermiques à l'intérieur des bâtiments (p. ex. la température de l'air, l'humidité et la circulation de l'air), surtout là où il n'y a pas de systèmes de climatisation ou de ventilation.

Repérer les îlots de chaleur urbains et en mesurer les effets

Deux méthodes permettent de mesurer les effets des îlots de chaleur urbains : 1) la mesure directe de la température de la surface et/ou de l'air au moyen de capteurs depuis un centre d'observation fixe ou mobile; et 2) une mesure indirecte faite à distance au moyen d'appareils satellitaires et aeriens qui détectent le rayonnement émis par les surfaces.

Carte des températures de surface de la Région du Grand Toronto, le 3 septembre 2008.

Cette figure est utilisée comme exemple d'illustration de la méthode indirecte pour mesurer les effets des îlots de chaleur urbains dans la région du Grand Toronto (RGT). Les images satellite du 3 Septembre 2008 ont été utilisées pour estimer la distribution spatiale des températures de surface en milieu urbain. Une gamme de couleurs a été utilisée pour représenter les valeurs de température de surface variant entre 5 et 50 °C et de localiser les zones urbaines chaudes dans la RGT. Par exemple, une zone de couleur bleue représente une température de surface comprise entre 5 et 15 °C et une zone de couleur rouge représente la zone la plus chaude de la RGT ayant une température de surface comprise entre 45 et 50 °C. Plusieurs zones urbaines chaudes (zones de couleur rouge) ont été identifiées dans la région du Grand Toronto et plus spécifiquement au niveau des banlieues de Mississauga et de Brampton. Il est également intéressant de noter à partir de cette image que le centre-ville de Toronto n'est pas la zone la plus chaude de la RGT.

Grand Toronto - Carte des températures de surface (2008-09-03)
Source : Ressources naturelles Canada, Secteur des sciences de la Terre
Contact : Matthew Maloley, Ressources naturelles Canada

L'effet des îlots de chaleur urbains dits « de surface » se reconnaît à la différence de température entre diverses surfaces, par exemple entre les toits des bâtiments et la voûte des arbres, ou encore entre les champs et les espaces de stationnement. La capacité de détection thermique des satellites peut servir à repérer les « points chauds » du milieu urbain (voir la carte ci-dessus). L'information ainsi obtenue peut servir de fondement à la mise en oeuvre des mesures stratégique d'atténuation des effets des îlots en question. Cependant, la localisation des « points chauds » doit être combinée avec des informations reliées aux caractéristiques des bâtiments et aux facteurs socioéconomiques pour mieux protéger les groupes à risque tout en renforçant leur résilience à la chaleur.

Stratégies d'atténuation de l'effet des îlots de chaleur urbains

Deux stratégies de réduction de l'effet en question s'imposent : premièrement, accroître la capacité réfléchissante des surfaces, pour réduire l'absorption des rayons solaires en milieu urbain (favoriser un albédo élevé); et, deuxièmement, accroître la couverture végétale - songeons surtout aux forêts et parcs urbains - pour maximiser les divers avantages que présente la végétation quand il s'agit de baisser l'élévation de la température.

Pour améliorer la capacité réfléchissante des surfaces, on peut soit choisir des matériaux de construction de couleur pâle, soit couvrir la surface des matériaux d'une membrane blanche. Les deux techniques ont déjà été appliquées, surtout aux toits et aux surfaces asphaltées. Pour l'heure, peu de collectivités canadiennes appliquent une politiques ou un programme servant à accroître le recours aux matériaux à albédo élevé pour atténuer les effets des îlots de chaleur urbains (Forkes et coll., 2009).

Le moyen principal employé pour accroître la couverture végétale d'un secteur urbain consiste à planter des arbres autour des bâtiments résidentiels et commerciaux. L'orientation stratégique des arbres plantés - devant les fenêtres et du côté ensoleillé des maisons - permet de maximiser les économies d'énergie. La façon la plus efficace de procéder consiste à planter des arbres à l'est et à l'ouest des bâtiments, de manière à stopper à la fois les rayons du soleil le matin et l'après-midi. Plusieurs collectivités canadiennes ont mis sur pied un programme de plantation. C'est le cas par exemple de Hamilton, en Ontario, où on a planté 2 100 arbres le long des rues depuis 2006. À Kelowna, en Colombie-Britannique, entre 600 et 1 400 arbres sont plantés tous les ans. À London, en Ontario, les autorités projettent d'avoir un arbre devant chaque maison (Forkes et coll., 2009).

De même, l'aménagement de toits végétaux (les toits dits verts) est encouragé. C'est une façon d'en arriver autrement au résultat qui permettent d'obtenir les toits de couleur pâle. Récemment, la municipalité de Toronto, en Ontario, a adopté un règlement pour imposer et encadrer l'aménagement de toits verts. Cela s'applique à tout projet de construction nouveau où la superficie hors d'oeuvre dépasse les 2 000 m2.

Le succès et l'efficacité des mesures d'atténuation tiennent pour beaucoup à l'engagement et à la collaboration des divers partenaires comme les administrations municipales, les responsables de la santé publique, le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral. La mobilisation de toute une série d'intervenants, et notamment le grand public, constitue un élément clé pour qui souhaite réduire les effets des îlots de chaleur urbains.

Références

  • Forkes, J., Penney, J., Dickinson, T. et Duggan, C. Urban Heat Island Mitigation in Canadian Communities, ébauche d'un rapport, Clean Air Partnership, 132 p., 2009.
  • Luber, G., Sanchez, C., et Conklin, L. 2006. Heat-Related Deaths - United States, 1999-2003. Morbidity and Mortality Weekly Report. Vol. 55(29) : 610-613.
  • Oke, T.R. 1987. Boundary Layer Climates. New York, Routledge.
  • Urban Heat Islands, www.urbanheatislands.com.

Pour de plus amples renseignements : climatinfo@hc-sc.gc.ca

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