ARCHIVÉE - Rapport au ministre fédéral de la santé: Pour un nouveau leadership en matière d'amélioration des services de santé en français - février 2007

Présenté par le Comité consultatif des communautés francophones en situation minoritaire
Février 2007
ISBN (978-0-662-49856-8)
No de catalogue (H21-287/2007)

Table des matières

Sommaire du rapport

En juin 2001, le Comité consultatif des communautés francophones en situation minoritaire (CCCFSM) a déposé son premier rapport au ministre fédéral de la Santé, rapport intitulé Pour un meilleur accès à des services de santé en français. Le Comité dressait alors un bilan en matière d'accès aux services de santé en français et identifiait les leviers susceptibles d'améliorer l'accessibilité à ces services. Ce rapport insistait sur le fait que la qualité des services de santé est étroitement associée à la capacité des intervenants de communiquer dans la langue de leurs patients, et ce, afin de les aider, les conseiller, les orienter et les éduquer. La capacité de comprendre et d'être compris est en effet essentielle à une relation efficace entre un intervenant de la santé et l'usager des services de santé. Cette dimension devient même particulièrement critique lorsque le bien-être et la santé des patients exigent de modifier des comportements, de développer de nouvelles habitudes ou de suivre rigoureusement certaines prescriptions de traitements ou de médicaments.

Le besoin de revoir la stratégie de 2001

Notre rapport de 2001 a servi de guide au Plan fédéral d'action sur les langues officielles lancé en mars 2003. Ce Plan appuyait activement les orientations qui avaient été proposées par le CCCFSM, tout en soutenant financièrement certaines initiatives structurantes. Ce soutien financier, couvrant la période 2003-2008, s'est concentré sur un certain nombre de leviers et d'actions identifiés en 2001 par le Comité. À sa rencontre de septembre 2005, le Comité a jugé important de mesurer l'impact des efforts investis jusqu'à présent et de valider les orientations stratégiques qui avaient guidé ses recommandations.

Tout en étant conscient du peu de temps écoulé depuis la mise en place des initiatives de soutien aux services de santé en français, le CCCFSM considérait souhaitable de réviser sa stratégie développée en 2001. Cette démarche d'actualisation s'avérait utile à plusieurs titres: fin de certaines initiatives fédérales financées dans le cadre du Plan d'action fédéral pour les langues officielles, arrivée d'un nouveau gouvernement fédéral, dépôt de plusieurs stratégies provinciales en matière de santé et sensibilisation accrue au rôle et à l'importance des services de santé primaires, évolution du contexte général des services de santé.

Ce second rapport au ministre fédéral de la Santé résume l'analyse que le Comité fait de l'évolution récente de la situation actuelle et des perspectives à venir. Il présente aussi nos recommandations quant à la stratégie à privilégier pour continuer d'améliorer l'accès aux services de santé aux communautés francophones en situation minoritaire.

Les objectifs stratégiques poursuivis et les principales initiatives entreprises

Le but du CCCFSM est de favoriser un environnement et des conditions susceptibles d'améliorer la santé des francophones en situation minoritaire. Pour y arriver, deux grands axes sont poursuivis:

  1. Augmenter la disponibilité des professionnels de la santé pouvant s'exprimer en français dans les communautés;
  2. Améliorer l'accès aux services de santé en français pour les communautés francophones en situation minoritaire.

Il s'agit de deux objectifs dont l'atteinte favorisera à son tour une plus grande satisfaction et une plus forte participation des communautés francophones dans la prise en charge de leur santé.

Les objectifs stratégiques

Pour atteindre ces grands objectifs stratégiques, le CCCFSM a recommandé en 2001 diverses mesures qui étaient structurées autour de cinq leviers clés:

  • Le réseautage des partenaires de la santé;
  • La formation de professionnels de la santé;
  • L'organisation des services de santé;
  • Le développement de la recherche sur la santé des communautés minoritaires;
  • L'utilisation des technologies de la santé.

Le Plan d'action fédéral de 2003 a en quelque sorte repris cette approche en appuyant financièrement deux grandes initiatives structurantes: le Consortium national de formation en santé (CNFS), responsable principal des leviers formation et recherche; la Société Santé en français (SSF), responsable principal des leviers réseautage et organisation des services. Chacun de ces organismes s'est donc vu confier certains objectifs propres et des moyens financiers répartis sur la période 2003-2008. De plus, les deux organismes se sont entendus pour mettre sur pied deux commissions conjointes consultatives, l'une sur les ressources humaines et une autre sur la recherche. En raison de la nature mixte des dossiers, cet effort conjoint permettait de réaliser plus efficacement les objectifs poursuivis. Ces deux grandes initiatives fédérales ont constitué le fer de lance du déploiement de la stratégie élaborée en 2001 par le CCCFSM. De surcroît, d'autres initiatives ou projets de plus petite envergure ont également été appuyés par le gouvernement fédéral au cours des dernières années.

La mise en place de conditions facilitant les changements souhaités

Dans un premier temps, il importe de souligner qu'il est encore trop tôt pour établir un bilan détaillé de l'ensemble des initiatives lancées. Plusieurs mesures soutenues n'ont concrètement débuté qu'à la mi-2003 et n'ont véritablement été déployées que depuis 2004. Deux ans constituent évidemment une période trop courte pour pouvoir mesurer des changements significatifs dans l'amélioration de la santé des francophones en situation minoritaire. Particulièrement dans un contexte où l'approche privilégiée cherchait à modifier structurellement l'accessibilité aux services de santé en français et donc misait sur la mobilisation des diverses parties concernées, l'implication des provinces, l'augmentation du nombre de professionnels de la santé, la responsabilisation des individus et des communautés, etc. Des modifications structurelles qui exigent du temps.

Malgré cela, le bilan réalisé par le Comité indique que plusieurs des conditions facilitantes requises sont aujourd'hui en place et que la situation actuelle est meilleure qu'en 2001. On peut constater à mi-parcours une sensibilisation accrue des communautés francophones, une mobilisation des partenaires de la santé, une reconnaissance formelle de plusieurs réseaux par les autorités provinciales et territoriales, l'élaboration de plans provinciaux et territoriaux de développement abordant les enjeux santé des communautés francophones minoritaires, un plus grand nombre de diplômés francophones dans des professions de la santé, ainsi qu'une plus grande disponibilité de certains services de santé en français. L'approche mise en place depuis 2001 est d'ailleurs soutenue par les autorités de soins primaires de la plupart des provinces et territoires et a été reconnue par le Network-TUFH, associé à l'Organisation mondiale de la santé, comme étant une approche innovatrice et répondant aux besoins des communautés.

Le bilan des activités soutenues financièrement

Un bilan également positif par type de leviers, mais des défis encore importants

Le bilan de mi-parcours par levier d'intervention est également positif. Ainsi les activités de la SSF et de ses réseaux ont permis d'être des catalyseurs et de développer des initiatives prometteuses reliées à l'accroissement de la visibilité des ressources de même qu'au développement de l'offre de services, alors que celles du CNFS et de ses institutions membres ont permis d'accroître, et continueront d'accroître, le nombre de professionnels disponibles, que ce soit par la formation de nouveaux diplômés ou la mise à niveau de compétences par le biais de la formation continue. On compte ainsi plusieurs réalisations significatives, et ce, malgré la courte période de déploiement des mesures. Par ailleurs, cette évolution favorable ne doit toutefois pas masquer le fait que des défis importants demeurent pour chacun des leviers d'intervention privilégiés.

Le bilan par type des leviers d'intervention
Levier Principales réalisations clés Principaux défis
Réseautage
  • Mise en place de dix-sept réseaux àtravers le Canada
  • Sensibilisation et concertation des partenaires de la santé
  • Développement de relations étroites avec plusieurs autorités provinciales et territoriales
  • Soutien à la planification des services de santé dans les provinces et territoires
  • Hiérarchisation, organisation et mise en place d'initiatives porteuses reliées àl'accès aux services de santé
  • Établissement et maintien de relations productives avec toutes les provinces et tous les territoires
  • Mobilisation accrue des professionnels et des institutions de santé
  • Disponibilité de personnes qualifiées pour animer et diriger les réseaux
Formation
  • Établissement de nouvelles collaborations entre institutions de formation
  • Accroissement des inscriptions et des diplômés dans les professions de la santéau-delàdes objectifs fixés
  • Augmentation des capacités d'enseignement en français
  • Lancement de nouveaux programmes de formation en santé, incluant la formation continue
  • Besoins de professionnels excédant les capacités de formation
  • Retour ou établissement des diplômés dans les communautés en situation minoritaire
  • Arrimage entre la formation donnée et les besoins prioritaires des communautés en situation minoritaire
  • Disponibilité suffisante de stages dans les communautés en situation minoritaire
  • Équilibrage de la répartition géographique des étudiants inscrits
Recherche
  • Mise en place d'une Commission conjointe
  • Sensibilisation des conseils nationaux de recherche et mise en place d'un Comité consultatif au sein des IRSC
  • Développement d'un cadre de référence pour ancrer la recherche appliquée sur les besoins des communautés
  • Financement de cinq projets de recherche importants
  • Priorisationaccrue des activités de recherche
  • Orientation et utilisation de la recherche réalisée
  • Nécessité d'établir des masses critiques pour effectuer des études plus larges et approfondies
  • Besoin de mesures structurantes
Services de santé
  • Réalisation de 71 projets dans toutes les provinces et tous les territoires
  • Réel engagement des différents groupes d'intervenants
  • Participation significative des provinces et territoires
  • Maintien de la mobilisation des instances responsables des services
  • Priorisation des projets
  • Synergies/complémentarités entre les projets
  • Développement de modèles adaptés aux diverses communautés
Technologie
  • Aucune enveloppe n'a été dédiée spécifiquement au levier technologie
  • Importance des investissements associés àce levier
  • Nécessité d'une collaboration étroite avec les provinces et territoires

L'approche globale retenue

Il ne fait aucun doute que la situation de 2006 est plus favorable en matière d'accessibilité aux services de santé en français qu'en 2001. Les diverses réalisations découlant des initiatives du Plan d'action de 2003 ne sont pas étrangères à cette évolution. Par contre, il est également évident qu'un effort encore important et soutenu sera nécessaire pour réaliser les changements structurels souhaités. De même, il importe de reconnaître que les mesures actuelles comportaient au départ, et toujours aujourd'hui, des limites. Pour chacun des deux grands objectifs, soit l'accroissement de la disponibilité de professionnels de la santé francophones dans les communautés et l'amélioration de l'accès aux services de santé en français, il est nécessaire de faire plus et, dans certains cas, possiblement de faire autrement.

Dans le cadre de l'actualisation de sa stratégie, le CCCFSM a donc cherché à tirer parti des améliorations récentes, tout en prévoyant les ajustements nécessaires pour atteindre mieux et plus rapidement les objectifs souhaités. Dans cet esprit, le Comité a cristallisé six (6) sous-objectifs permettant d'accroître la disponibilité de professionnels francophones dans les communautés minoritaires et d'améliorer l'accès aux services de santé en français:

  1. Augmenter le bassin de professionnels de la santé francophones;
  2. Favoriser le placement des diplômés dans les communautés;
  3. Attirer et retenir les professionnels dans les communautés;
  4. Mobiliser les professionnels présents dans les communautés;
  5. Sensibiliser et engager le milieu;
  6. Développer une offre active de services de santé.

L'approche globale retenue

Les sous-objectifs 1, 5 et 6 étaient déjà explicitement reconnus dans les objectifs associés aux initiatives soutenues financièrement depuis 2003. Les sous-objectifs 2, 3 et 4 n'étaient pas aussi clairement énoncés et méritent selon le Comité une attention et des actions spécifiques. Le second rapport du CCCFSM cherche donc à bonifier l'approche d'ensemble afin d'atteindre plus rapidement et encore plus efficacement le but ultime visé soit l'amélioration de la santé des francophones en situation minoritaire.

Les assises des orientations stratégiques proposées

Le terrain parcouru depuis le dépôt du premier rapport indique que l'amélioration de la qualité des services de santé pour le million de Canadiens et de Canadiennes d'expression française vivant en situation minoritaire au Canada est tout à fait réalisable malgré les défis et contraintes associés à cet objectif. Le CCCFSM est encore plus persuadé aujourd'hui que le succès de sa démarche passe par des approches d'intervention misant sur la mobilisation et la coordination des ressources, et ce, afin de faciliter la mise en oeuvre de stratégies visant un meilleur contrôle des maladies et la promotion de la santé. Ces approches exigent par ailleurs un appui combiné du gouvernement fédéral, des gouvernements provinciaux/territoriaux, des communautés, des professionnels de la santé et des institutions de soins ou de formation. Au-delà des ajustements souhaitables et à prioriser pour faire plus, faire mieux et faire plus rapidement, le Comité a donc jugé important de réaffirmer un certain nombre d'incontournables dans la réussite de son mandat. Ces incontournables sont respectivement:

  • La mesure des résultats atteints. Le Comité réaffirme l'importance de fixer des objectifs et de les suivre. Il entend d'ailleurs jouer un plus grand rôle dans la détermination des objectifs qui sont associés aux diverses initiatives financées par le gouvernement fédéral et d'établir un cadre d'évaluation globale de sa stratégie;
  • L'implication essentielle des provinces/territoires. Le Comité réaffirme qu'il importe de poursuivre dans la voie de la collaboration avec les provinces et territoires et de s'assurer que les solutions proposées, notamment pour améliorer les lieux d'accès aux services de santé en français, puissent bien s'arrimer à leurs orientations, choix et priorités;
  • Le rôle de levier du gouvernement fédéral. Le Comité croit en parallèle essentiel que le gouvernement canadien capitalise encore sur son effet levier et assume ainsi un leadership dans l'amélioration des soins de santé aux communautés francophones minoritaires;
  • L'approche collaborative entre les partenaires de la santé. Le Comité demeure enfin convaincu que la viabilité et l'efficacité des systèmes de santé dépendent de l'établissement d'une collaboration véritable entre l'ensemble des principaux partenaires.

Les recommandations et priorités retenues

Par ailleurs, l'expérience des dernières années amène le CCCFSM à réaffirmer certaines orientations prises, mais aussi à suggérer certains ajustements. En ce sens, nous recommandons plus spécifiquement au ministre de la Santé:

Recommandation 1. Poursuivre l'effort entrepris au cours des dernières années afin d'améliorer la santé des francophones en situation minoritaire. Les trois dernières années ont en effet permis d'asseoir plusieurs des conditions essentielles aux résultats recherchés. Plusieurs mesures concrètes qui mèneront à l'amélioration souhaitée sont en cours de réalisation. Un retrait même partiel du gouvernement canadien risquerait à ce stade-ci de briser le «momentum» en cours, de réduire la mobilisation du milieu, de fragiliser voire de stopper certaines initiatives, tout en irritant certaines provinces ou territoires qui se sont engagés dans des démarches structurantes avec leurs communautés francophones.

Recommandation 2. Maintenir les services de santé primaires comme priorité, de même que les aînés et les enfants comme clientèles prioritaires. Ces clientèles sont en effet les plus vulnérables et les plus affectées par l'absence de services de santé dans leur langue. Quant aux types de soins, tous les intervenants reconnaissent l'importance des services de santé primaires dans l'amélioration de la santé des individus, de même que dans la qualité ou l'efficacité du système. Les réformes récentes des systèmes de santé provinciaux ou territoriaux ont également toutes reconnu le rôle critique de ces services.

Recommandation 3. Travailler sur les cinq leviers identifiés, soit le réseautage, la formation, les lieux d'accès, la recherche et la technologie, mais en accordant la priorité aux quatre premiers. Au cours des dernières années, les efforts ont surtout porté sur les trois premiers leviers, soit ceux qui avaient le plus d'impacts immédiats sur les principaux services et clientèles ciblés. Dans une perspective de moyen terme et d'amélioration, il importe maintenant d'inclure aussi la recherche dans les leviers priorisés. Cet effort additionnel permettra de mieux mesurer les résultats atteints et de mieux caractériser les modèles de services les plus performants pour répondre à la fois aux besoins des communautés et à ceux des autorités gouvernementales responsables des services de santé.

Recommandation 4. Faire plus et, dans certains cas, faire autrement pour chacun des deux grands objectifs intermédiaires, soit l'accroissement de la disponibilité de professionnels de la santé francophones dans les communautés et l'amélioration de l'accès aux services de santé en français. En particulier, il importe de porter une attention à tous les bassins disponibles de nouveaux professionnels francophones. Le Comité continue de croire que le potentiel le plus important se situe autour des étudiants francophones qui s'inscrivent dans des programmes de formation en santé d'institutions francophones, mais un effort additionnel doit être fait au cours des prochaines années pour intéresser les étudiants francophones inscrits dans les institutions anglophones, de même que les immigrants francophiles qualifiés, à s'établir dans des communautés francophones en situation minoritaire. Dans le même esprit, les initiatives d'attraction et de rétention des professionnels de la santé doivent être accrues et, par le fait même, les efforts consacrés à l'animation et à la mobilisation du milieu de la santé se doivent d'être étendus davantage, notamment au niveau des lieux de services et au sein des regroupements de professionnels. Par ailleurs, un arrimage plus poussé est nécessaire entre les types de formations soutenus et les besoins prioritaires des communautés francophones en situation minoritaire. Enfin, le développement d'une véritable offre active de services de santé en français reste une priorité et, conséquemment, les ressources consacrées à la mise en place de nouveaux modes de livraison performants de ces services, de même qu'à la diffusion de ces modèles, doivent demeurer à la hauteur des défis à relever.

Recommandation 5. Soutenir des institutions communautaires pour atteindre efficacement les objectifs poursuivis. Jusqu'à présent deux grandes initiatives structurantes ont été soutenues: le Consortium national de formation en santé (CNFS) et la Société Santé en français (SSF). Cette double structure a été adoptée pour refléter les caractéristiques particulières des milieux de la formation d'une part, et des milieux locaux, d'autre part. Très rapidement, ces deux instances ont identifié quelques dossiers communs et ont mis sur pied des Commissions conjointes pour aborder ces enjeux. L'expérience des dernières années nous laisse à penser que cette double structure reste pertinente pour susciter l'engagement souhaité des milieux visés et faciliter l'atteinte des objectifs poursuivis. Par contre, il apparaît également évident au Comité que les dossiers communs deviennent à la fois plus nombreux et plus importants, notamment en matière de ressources humaines. En ce sens, nous croyons qu'il serait souhaitable de reconnaître explicitement ce besoin d'un arrimage étroit en fixant un certain nombre d'objectifs communs aux deux organismes.

Recommandation 6. Intégrer davantage les associations ou regroupements professionnels à la stratégie. L'accroissement du nombre de professionnels de la santé s'établissant et demeurant dans les communautés francophones en situation minoritaire exige d'établir une relation étroite et privilégiée avec les individus offrant ces services. Le CNFS et la SSF ont d'ailleurs été très sensibles à ce besoin au cours des dernières années et ont établi certains ponts dans des dossiers spécifiques. Le Comité croit toutefois important que ces relations soient plus intenses et plus continues si l'on désire mettre en place l'ensemble des conditions essentielles aux résultats recherchés. De ce fait, il apparaît souhaitable de mieux intégrer les divers ordres, regroupements, associations qui accréditent et/ou représentent les différentes professions de la santé, notamment ceux représentant les médecins et les infirmières.

Recommandation 7. Consacrer des ressources financières appropriées à l'atteinte des objectifs fixés et que leurs modalités soient simples mais axées sur les résultats recherchés. Le financement fédéral a agi comme levier important au cours des dernières années. Cette même approche est privilégiée pour la prochaine phase de la stratégie. Par contre, le processus d'approbation et de suivi budgétaire de certains programmes a été particulièrement lourd et a même eu des effets dysfonctionnels dans la réalisation de certains projets. Tout en travaillant dans le respect des lois et règlements concernant l'administration des fonds publics, les dysfonctionnements peuvent être atténués par une collaboration étroite et un bon partage d'information entre le Ministère et les institutions communautaires.

Le défi d'améliorer la santé des francophones en situation minoritaire ne peut être relevé avec succès que si les autorités gouvernementales sont ouvertes, les institutions et les professionnels de la santé sont engagés et les communautés francophones sont mobilisées. L'approche du Comité vise à développer cette dynamique de changement. Elle invite les communautés francophones en situation minoritaire avec leurs partenaires de la santé à se prendre en charge et à se mobiliser en ce qui a trait à l'amélioration de l'accès aux services de santé en français dans leur milieu.

Pour réussir, elle compte sur un nouveau leadership de toutes les parties concernées; un leadership qui mènera à l'amélioration de la santé des francophones en situation minoritaire, de même qu'à un meilleur épanouissement et développement de ces communautés.

Introduction

Le mandat du Comité consultatif des communautés francophones en situation minoritaire (CCCFSM)

En août 1994, le gouvernement du Canada a approuvé l'élaboration d'un cadre de responsabilisation pour l'application des articles 41 et 42 de la Loi sur les langues officielles. En plus d'assurer aux minorités de langue officielle l'accès à des services dans leur langue, ces deux articles obligent les institutions fédérales à contribuer de façon dynamique au développement et à l'épanouissement des communautés minoritaires francophones et anglophones.

En juin 2000, le ministre fédéral de la Santé a créé le Comité consultatif des communautés francophones en situation minoritaire (CCCFSM) pour traiter des questions de santé liées aux communautés francophones 1. Ce Comité est coprésidé par M. Hubert Gauthier, président-directeur général de la Société Santé en français et anciennement président-directeur général de l'Hôpital général de Saint-Boniface (Manitoba), et parM. Marcel Nouvet, sous-ministre adjoint, Direction générale des services de gestion, et Champion des langues officielles à Santé Canada.

La mission du CCCFSM est la suivante:

  • conseiller le ministre fédéral de la Santésur les façons de favoriserl'épanouissement des communautés francophones en situation minoritaire et d'appuyer leur développement;
  • conseiller le ministre fédéral de la Santé, l'Agence de santé publique du Canada et le ministère sur les questions de coordination des initiatives fédérales en matière de santé;
  • donner son avis sur les initiatives proposées à diverses étapes de l'élaboration et de la mise en oeuvre afin qu'elles profitent le plus possible aux communautés francophones en situation minoritaire;
  • entretenir des relations avec les communautés francophones en situation minoritaire afin de faciliter le partage de l'information;
  • servir de tribune pour aider à mettre à jour le Plan d'action pluriannuel afin d'aider le Ministère à respecter ses obligations en vertu de l'article 41 de la Loi sur les langues officielles.

Cette dernière a étérenforcée le 25 novembre 2005 par la Loi modifiant la Loi sur les langues officielles (promotion du français et de l'anglais) qui fait en sorte que toutes les institutions fédérales doivent s'assurer de prendre des mesures positives pour donner suite à ses engagements et rend exécutoire la Partie VII de la Loi sur les langues officielles.

Le CCCFSM est composé:

  • De deux coprésidents, soit un représentant pour la partie communautaire et un autre pour la partie fédérale;
  • De huit autres représentants des communautés francophones en situation minoritaire;
  • De trois représentants de gouvernements provinciaux (Manitoba, Alberta et Nouveau-Brunswick) et d'un(e) représentant(e) des Affaires francophones intergouvernementales;
  • De hauts fonctionnaires de Santé Canada ayant des responsabilités dans des secteurs d'intérêt prioritaires;
  • De la personne responsable de la coordination nationale de la Partie VII de la Loi sur les langues officielles ainsi que d'autres coordonnateurs ministériels et régionaux, au besoin;
  • De deux représentants du ministère du Patrimoine canadien (Secrétariat des langues officielles et Concertation interministérielle);
  • D'un représentant de l'Agence de la santé publique du Canada;
  • D'un secrétaire général pour la partie communautaire et un pour la partie fédérale.

Le rapport 2001 du Comité et les travaux subséquents

En juin 2001, le Comité a rendu publique une première étude financée par Santé Canada et coordonnée par la Fédération des communautés francophones et acadiennes du Canada (FCFA), intitulée Pour un meilleur accès à des services de santé en français. Cette étude a permis de dresser un premier bilan en matière d'accès aux services de santé en français et d'identifier les leviers susceptibles d'améliorer l'accessibilité de ces services. Le Comité a ensuite créé des groupes de travail ayant chacun pour mandat de traiter en profondeur un ou plusieurs leviers d'intervention susceptibles d'améliorer l'accessibilité des services de santé en français, ce qui s'est traduit par un rapport au ministre fédéral de la Santé, en septembre 2001.

Ce rapport a servi de guide au Plan d'action sur les langues officielles lancé en mars 2003. Ce Plan appuyait activement les orientations proposées par le CCCFSM, tout en soutenant financièrement certaines initiatives structurantes d'appui à l'amélioration de la situation de la santé des francophones en situation minoritaire. Ce soutien financier, couvrant la période 2003-2008, s'est concentré sur un certain nombre de leviers et actions privilégiés par le Comité. Cet exercice a en parallèle amorcé une dynamique de sensibilisation à l'importance d'offrir des services de santé dans la langue du patient, et ce, auprès de toutes les parties concernées: professionnels de la santé, responsables provinciaux et territoriaux, institutions prestataires de services et groupes communautaires.

Suite au dépôt de son rapport au ministre, le CCCFSM a continué ses activités et a tenu plusieurs rencontres afin de s'assurer de la mise en place de la stratégie élaborée. À sa rencontre de septembre 2005, le Comité a jugé important de mesurer l'impact des efforts investis jusqu'à présent et de valider les orientations stratégiques qui avaient guidé ses recommandations.

La démarche d'actualisation de la stratégie 2001

Tout en étant conscient du peu de temps écoulé depuis la mise en place des initiatives de soutien aux services de santé en français dans les communautés francophones en situation minoritaire, le CCCFSM a considéré souhaitable de réviser la stratégie développée en 2001. Cette démarche d'actualisation s'avérait utile à plusieurs titres: fin de certaines initiatives fédérales financées dans le cadre du Plan d'action de 2003, arrivée d'un nouveau gouvernement fédéral, dépôt de plusieurs stratégies provinciales en matière de santé et sensibilisation accrue au rôle et à l'importance des soins primaires, évolution du contexte général des services de santé.

L'expérience et l'implication directe des membres du Comité dans diverses sphères du dossier de la santé des communautés francophones minoritaires ont évidemment été mises à contribution dans la présente démarche d'actualisation. La réflexion du Comité a également été alimentée par les différents rapports d'évaluation réalisés au cours des derniers mois et portant sur divers volets des initiatives financées par le Plan fédéral, notamment:

  • Le rapport de mise à jour des initiatives proposées par le CCCFSM publié en octobre 2005 (Santé Canada, La voie de l'avenir du secteur de la santé);
  • Le rapport de mi-parcours du Plan d'action pour les langues officielles déposé en 2005 (Gouvernement du Canada, Le point sur la mise en oeuvre du Plan d'action pour les langues officielles);
  • Le rapport d'évaluation de mi-parcours des activités du CNFS finalisé au début 2006 (CNFS, Rapport de l'évaluation formative du Projet de formation et de recherche);
  • Le rapport préliminaire d'évaluation de mi-parcours des activités de la SSF disponible à l'été 2006;
  • Le rapport d'évaluation sur le projet FASSP avec l'Association des facultés de médecine du Canada déposé en juillet 2006 (Des médecins et des soins de qualité pour les communautés francophones minoritaires du Canada).

Le Comité a aussi demandé à une firme d'experts conseils d'effectuer du travail de recherche pour compléter son analyse de la situation actuelle. 2 Ce travail de recherche a inclus une revue de la littérature pertinente. Un effort quantitatif de mise à jour de l'état de la situation en matière d'accès aux services de santé a aussi été réalisé afin d'évaluer le chemin parcouru depuis 2001. Enfin, des entrevues ont également été effectuées avec des membres d'institutions de formation et d'instances gouvernementales ainsi qu'avec des membres des communautés francophones en situation minoritaire. Ces rencontres ont inclus:

  • Des responsables provinciaux et territoriaux des services aux communautés francophones;
  • Des responsables provinciaux et territoriaux des soins primaires;
  • Des responsables fédéraux au niveau des soins primaires et des nouvelles technologies de la santé;
  • Chacun des 17 réseaux formés suite au Plan d'action de 2003présents dans chaque province et territoire;
  • Chacun des dix établissements de formation membres du Consortium national de formation en santé (CNFS);
  • Des responsables de diverses instances concernées par les dossiers de la santé.

En juin 2006, le Comité s'est réuni pour discuter d'un bilan préliminaire et de différents enjeux reliés à chacun des leviers préconisés dans son rapport de 2001. En septembre 2006, le Comité s'est réuni à nouveau pour valider le bilan 2001-2005, finaliser les orientations et priorités de la période post-2008 et déterminer les ajustements souhaitables dans le déploiement de la stratégie privilégiée.

Ce document résume l'analyse que le Comité fait de l'évolution récente, de la situation actuelle et des perspectives à venir. Dans un premier temps, un rappel de l'importance des services de santé en français et des principaux constats du rapport 2001 est effectué. Puis, dans un second temps, un bref bilan de l'évolution et des réalisations depuis le dépôt du plan fédéral est présenté. Enfin, la dernière section s'attarde à décrire les recommandations du Comité; recommandations visant à assurer un nouveau leadership en matière d'amélioration des services de santé aux communautés francophones en situation minoritaire.

Mise en contexte

Rappel de l'importance des services de santé en français

Doit-on rappeler l'importance d'avoir accès à des services de santé en français pour les membres des communautés francophones en situation minoritaire? Notre rapport 2001, intitulée Pour un meilleur accès à des services de santé en français, avait insisté sur le fait que des services de santé de qualité ne se limitent pas à des actes techniques consistant à soigner les gens. La qualité est aussi étroitement associée à la capacité des intervenants d'aider, de conseiller, d'orienter et d'éduquer les usagers de services. La capacité de comprendre et d'être compris est donc essentielle à une relation efficace entre un intervenant de la santé et l'usager des services de santé. Cette dimension devient même particulièrement critique lorsque le bien-être et la santé des patients exigent de modifier des comportements, de développer de nouvelles habitudes ou de suivre rigoureusement certaines prescriptions de traitements ou de médicaments.

L'accès à des services de santé dans sa langue va donc bien au-delà du simple respect de la culture de l'usager des services. Il s'agit d'un élément parfois essentiel à l'amélioration des conditions de santé et à l'appropriation de la santé par la population. Plusieurs recherches consultées en 2001 3 confirmaient d'ailleurs l'importance de la langue dans l'efficacité de certains soins dispensés et permettaient de conclure que la barrière de la langue:

  • Réduit le recours aux services préventifs;
  • Augmente le temps de consultation, le nombre de tests diagnostiques et la probabilité d'errer dans les diagnostics et les traitements;
  • Influence la qualité des services où une bonne communication est essentielle (par exemple, services sociaux, physiothérapie, ergothérapie, santé mentale, etc.);
  • Diminue la probabilité de fidélité aux traitements;
  • Réduit la satisfaction à l'égard des soins et services reçus par les usagers de services 4.

L'accès à des services de santé en français permet donc non seulement d'améliorer la qualité des services reçus par les francophones en situation minoritaire et par conséquent de mieux satisfaire les usagers de services, mais il peut s'avérer, à terme, une façon d'améliorer l'efficacité des services de santé par:

  • Une meilleure prévention de la maladie: une diminution des soins de santé requis et des temps d'attente;
  • Des diagnostics plus précis et plus rapides: un accroissement de l'efficience des services de santé primaires, secondaires et tertiaires;
  • Une meilleure communication et une meilleure fidélité aux traitements prescrits: un plus grand impact des services offerts.

Rappel de la situation en 2001

Un état de santé plus précaire

En 2001, soit au moment de la préparation de notre premier rapport, l'analyse comparative des caractéristiques socioéconomiques de 71 communautés francophones en situation minoritaire indiquait que les membres des communautés francophones et acadiennes en situation minoritaire étaient plus susceptibles d'avoir des problèmes de santé que les membres des communautés anglophones en situation majoritaire, et ce, en raison de leur isolement, leur âge plus élevé, leur scolarisation moindre, leur moins grande participation au marché du travail, etc. Plusieurs études réalisées sur le sujet allaient aussi en ce sens.

Un accès moindre

L'analyse des 71 communautés francophones en situation minoritaire faite en 2001 permettait également de constater que de 50% à 55% des francophones vivant en situation minoritaire n'avaient jamais ou presque jamais accès à des services de santé en français, que ce soit en clinique privée, en milieu hospitalier, en centre de santé communautaire ou autre. Des écarts considérables entre les services en français et les services en anglais dans ces communautés étaient aussi constatés: cette accessibilité était de 3 à 7 fois plus élevée pour les anglophones.

Des différences importantes entre les communautés

De ses travaux, le Comité avait également dégagé deux constats importants:

  • Des différences régionales importantes. Si certains des écarts observés dans l'accessibilité aux services s'expliquaient par le nombre et la densité territoriale des francophones, on notait aussi des variances significatives entre régions «comparables» 5. En d'autres mots, des communautés similaires en termes démographiques pouvaient présenter des différences importantes en termes d'accès aux services. Des facteurs importants, autres que la démographie, agissaient donc sur le niveau d'accessibilité.
  • Des améliorations possibles partout. Même si les francophones de certaines régions disposaient d'un meilleur accès aux services de santé en français, il demeurait toujours possible de faire mieux. Aucune région ne pouvait s'enorgueillir d'avoir réalisé son plein potentiel.

La stratégie d'intervention retenue en 2001

C'est sur une telle toile de fond que le CCCFSM a cru essentiel, en 2001, de sensibiliser les divers intervenants concernés par les services de santé aux communautés minoritaires et d'élaborer une stratégie pour améliorer l'accès à des services en français. Cette stratégie comportait plusieurs volets portant autant sur les principes de base, les orientations fondamentales et les principaux moyens à privilégier.

Les cinq leviers

C'est ainsi que le CCCFSM a choisi de privilégier une approche axée sur les services de santé primaires, une approche qui visait à renforcer la prise en charge individuelle et les capacités communautaires dans la prévention et le traitement des problèmes de santé. Pour contribuer à l'évolution souhaitée, le Comité proposait de travailler sur cinq leviers, soit:

  • Le réseautage: pour favoriser la concertation et l'engagement du milieu, pour identifier et hiérarchiser les besoins, pour faciliter l'accès à des professionnels francophones et la mise en place d'initiatives porteuses;
  • La formation: pour assurer à court, moyen et long termes la disponibilité de professionnels francophones de la santé;
  • L'accès aux services: pour regrouper des professionnels francophones de la santé et orienter les francophones vers des ressources francophones et des lieux où l'on parle leur langue, lieux qui sont la manifestation physique, visible et tangible d'une offre active de services de santé en français;
  • La technologie: pour renforcer la relation patient-professionnel par la télémédecine et les centres d'appels, pour faciliter les consultations entre professionnels et pour assurer une utilisation maximale des données informatiques sur l'état de santé du patient;
  • La recherche: pour mieux comprendre la problématique en santé des francophones en situation minoritaire et aider les intervenants à établir les priorités en matière de services de santé en français.

Les prémisses stratégiques

L'analyse des communautés francophones en situation minoritaire ainsi qu'une revue de la situation et des expériences en cours avaient permis au Comité de se doter de quatre principes directeurs visant à rendre la stratégie préconisée plus efficace:

  • Le besoin d'agir autant sur l'offre que sur la demande. D'une part, les institutions et les autorités gouvernementales responsables de la prestation des services de santé doivent être soutenues constamment dans leurs efforts de «francisation» et fortement encouragées à surmonter les obstacles qui se présentent. Une offre proactive est par conséquent essentielle à l'amélioration des services en français. D'autre part, les citoyens et les communautés francophones doivent aussi être incités à exprimer clairement leurs besoins dans leur langue et à utiliser les services en français.
  • La nécessité d'un effort concerté. L'amélioration de l'accessibilité aux services de santé en français est d'autant plus réalisable qu'elle s'appuie sur les efforts concertés de tous les grands groupes d'intervenants: les professionnels de la santé, les gestionnaires en santé (y compris ceux des établissements de santé), les décideurs politiques, les établissements d'enseignement et les communautés concernées. Un engagement important et constant de chacun de ces intervenants est nécessaire pour réduire les nombreux obstacles à une amélioration de l'accessibilité et créer des conditions facilitatrices, soit:

    • L'engagement du milieu: une reconnaissance par la communauté de l'importance des services de santé en français qui se traduit par la détermination des besoins, et l'expression de la demande;
    • Des structures institutionnelles facilitatrices: la mise en place de mécanismes de planification, de coordination et de prestation plus officiels, dans le cadre des réseaux actuels de santé, par le biais de structures ou de mécanismes favorisant une plus grande prise en charge de la santé par les communautés francophones en situation minoritaire;
    • Une volonté politique: un engagement gouvernemental, par des politiques, des lois ou des règlements qui reconnaissent l'importance de l'accès aux services de santé en français pour les communautés francophones en situation minoritaire.
  • La reconnaissance des différences régionales. L'accès actuel et potentiel aux services de santé en français variant sensiblement d'une région à l'autre, les approches proposées doivent absolument prendre en considération les spécificités des diverses communautés visées. Une approche «mur à mur» ou trop standardisée n'est pas du tout souhaitable.
  • L'importance de la participation des communautés. L'expérience démontre que plus les francophones sont impliqués dans le processus de livraison des soins, incluant la gouvernance des institutions de santé, plus la place du français est respectée et est reflétée dans la prestation de services. Cette participation est également cruciale pour faciliter une véritable prise en charge de la santé par la population.

Les objectifs stratégiques

Le rapport du CCCFSM visait à favoriser la mise en place d'un environnement et de conditions susceptibles d'améliorer la santé des francophones en situation minoritaire. Pour y arriver, deux grands axes devaient être poursuivis: i) Accroître la disponibilité des professionnels de la santé pouvant s'exprimer en français dans les communautés; ii) Améliorer l'accès aux services de santé en français pour les communautés francophones en situation minoritaire. Il s'agit de deux objectifs dont l'atteinte favorise une plus grande satisfaction et une plus forte participation et ultimement une amélioration de la situation des communautés francophones.

Les objectifs stratégiques

Les activités soutenues financièrement par le plan fédéral

Pour atteindre ces deux grands objectifs stratégiques, le CCCFSM proposait diverses mesures ou initiatives. Le Plan d'action fédéral pour les langues officielles a en quelque sorte entériné les principales orientations du Comité et a appuyé financièrement deux grandes initiatives structurantes: le Consortium national de formation en santé (CNFS) et la Société Santé en français (SSF). Chacun de ces organismes s'est vu confier certains objectifs propres et des moyens financiers répartis sur la période 2003-2008. Ces deux initiatives fédérales ont constitué le fer de lance du déploiement de la stratégie élaborée en 2001 par le CCCFSM.

Deux instance de gouverne et cinq éléments de la stratégie
Eléments de la stratégie* Formation (priorisé) Recherche (non priorisé) Réseautage (priorisé) Organisation des services (priorisé) Technologie (non priorisé)
Instances de gouverne          
Consortium national de formation en santé Leadership du levier Direction partagée via commission conjointe de la recherche      
Société Santé en français Contribution via the joint HR committee Direction partagée via commission conjointe de la recherche Leadership du levier Leadership du levier Contribution limitée via les budgets consacrés aux lieux de services
* Incluant l'aspect prioriséou non priorisé par le Plan d'action fédéral

Les activités du Consortium national de formation en santé (CNFS) se sont concentrées sur deux des cinq leviers retenus par le Comité, soit la formation et la recherche. Le CNFS regroupe dix établissements d'enseignement universitaire et collégial répartis sur l'ensemble du territoire canadien qui offrent des programmes d'études en français dans différentes disciplines de la santé ainsi qu'un secrétariat national. En 2003, le CNFS a obtenu une enveloppe de Santé Canada de 63 millions de $ à investir dans le levier formation et, dans une moindre mesure, dans le levier recherche. Cette aide couvre la période 2003 à 2008.

La Société Santé en français vise à soutenir l'implantation des trois autres leviers stratégiques, soit le réseautage, l'organisation des services de santé et la technologie, bien que ce dernier levier n'ait pas fait l'objet d'un financement spécifique. De plus, le levier réseautage est d'ordre différent puisqu'il vise à catalyser et soutenir la mise en oeuvre des autres leviers. Une enveloppe annuelle de 2 millions de $ pour la période 2003 à 2008 a été accordée pour la création et les activités de réseaux visant la mobilisation et la concertation des intervenants 6. Par ailleurs, à compter de 2004, la SSF a aussi été chargée de coordonner une enveloppe spéciale de 20 millions de $ dans le cadre du Fonds d'adaptation pour les soins de santé primaires (FASSP). Cette enveloppe était dédiée au soutien de projets portant sur l'amélioration de l'accès à des services de santé en français.

De plus, les deux organismes se sont entendus pour mettre sur pied deux commissions conjointes consultatives, l'une sur les ressources humaines et une autre sur la recherche. Dû à la nature mixte des dossiers, cet effort conjoint a permis de réaliser plus efficacement les objectifs poursuivis.

De surcroît, d'autres initiatives ou projets ont également été appuyés par le gouvernement fédéral. Par exemple, le projet de l'Association des facultés de médecine du Canada (AFMC), intitulé Des médecins et des soins de qualité pour les communautés francophones en situation minoritaire et financé par le FASSP, qui a permis d'identifier des médecins et étudiants francophones dans la plupart des facultés de médecine, d'offrir des lieux de stage en milieu francophone et d'amorcer le réseautage. Le 2 mai 2006 est né le groupe ressource de l'AFMC pour les communautés francophones minoritaires du Canada (GR/CFM) dont le mandat est de soutenir le développement de la main-d'oeuvre médicale pour les communautés francophones minoritaires du Canada dans le but d'améliorer l'offre de services médicaux et l'état de santé de la population de ces communautés. De plus, des initiatives Inforoute ont eu des répercussions favorables pour les francophones.

Le contexte général des soins de santé au Canada, la prise de conscience de la nécessité de soutenir les communautés de langue officielle vivant en situation minoritaire et le travail du Bureau d'appui aux communautés de langue officielle (BACLO) de Santé Canada ont aussi permis de favoriser l'évolution souhaitée. Parmi ces autres éléments favorables, on peut mentionner, par exemple:

  • Les recommandations des rapports Romanow et Kirby en 2003 qui appuient les orientations proposées par le Comité consultatif;
  • Les changements aux systèmes de santé des provinces et territoires depuis 2001 qui ont, dans plusieurs cas, reconnu explicitement les besoins particuliers en services de santé des communautés en situation minoritaire (par exemple, au Nouveau-Brunswick et en Ontario);
  • Les réformes récentes des systèmes de santé provinciaux ou territoriaux qui ont reconnu l'importance des soins primaires pour des services efficaces et de qualité, soit le coeur de l'approche des interventions préconisées en 2001 par le Comité consultatif;
  • Les changements à la Loi sur les langues officielles (projet de loi S-3) qui renforcent l'appui aux services publics dans les deux langues;
  • L'appui direct et indirect du gouvernement du Québec aux activités privilégiées par le Comité consultatif (par exemple, prêt de service de personnel, appui à l'entente Québec/Nouveau-Brunswick);
  • L'appui accru au bilinguisme à l'échelle du Canada et dans chacune des provinces (voir, par exemple, le sondage réalisé en 2006 pour le Commissariat aux langues officielles 7) qui favorise l'ouverture aux initiatives développées.

Bref bilan de la stratégie 2001

Le CCCFSM a donc remis son rapport au ministre de la Santé en septembre 2001 et le Plan fédéral a été déposé en mars 2003. Par contre, il importe de souligner que plusieurs initiatives soutenues n'ont concrètement débuté qu'à la mi-2003 et ne sont véritablement en place que depuis 2004. Deux ans constituent évidemment une période trop courte pour pouvoir mesurer des changements significatifs dans l'amélioration de la santé des francophones en situation minoritaire. Particulièrement dans un contexte où l'approche privilégiée cherchait à modifier structurellement l'accessibilité aux services de santé en français et donc misait sur la mobilisation des diverses parties concernées, l'implication des provinces, l'augmentation du nombre de professionnels de la santé, la responsabilisation des individus et des communautés, etc. Des modifications structurelles qui exigent du temps. Malgré cela, le bref bilan réalisé indique que plusieurs des conditions facilitantes requises sont aujourd'hui en place et que la situation actuelle est meilleure qu'en 2001. Par ailleurs, ce portrait 2006 permet aussi de saisir les limites des initiatives lancées à ce jour.

Les réalisations des activités soutenues financièrement par le plan fédéral

Les réalisations à ce jour en matière de réseautage

Le réseautage vise la création de liens concrets et durables entre les intervenants désireux d'assurer un meilleur accès aux services de santé en français. À cet égard, la SSF a d'abord contribué à mettre en place dix-sept (17) réseaux qui rassemblent, dans chacune des provinces et territoires canadiens où les francophones sont en situation minoritaire, des représentants de chacun des cinq grands partenaires concernés par l'amélioration de l'accès à des services de santé en français, soit: les professionnels de la santé, les institutions dispensatrices de services, les autorités gouvernementales, la communauté et les institutions de formation. Chacun de ces réseaux a adopté un modèle de gouvernance aligné sur cette représentation et s'est doté d'objectifs spécifiques.

La sensibilisation et la concertation des partenaires en vue d'obtenir leur soutien tangible et leur engagement ont représenté l'une des principales activités des réseaux et probablement leur plus grand succès à ce jour. En effet, un grand nombre d'activités réaliséesont permis de mobiliser les différents intervenants. À titre d'exemples: rencontres aux 4 à 12 semaines des comités incluant les représentants des cinq groupes d'intervenants; ateliers de formation pour les professionnels de la santé (dans huit réseaux); organisation d'environ 75 conférences; structuration de plus de 71 initiatives reliées à l'accès aux services de santé (voir section qui suit), dont le leadership appartient aux autorités régionales dans un tiers des cas, aux agences de santé (hôpitaux, centres communautaires) dans un tiers des cas et à la communauté dans un tiers des cas (souvent par le biais du réseau lui-même).

Dans tous les réseaux, l'engagement du milieu s'est traduit par des prêts de ressources, par exemple, prêt de personnel (5 réseaux) ou prêt de services (3 réseaux). En tout, les réseaux ont reçu un soutien de plus de 125 intervenants provenant de chacun des groupes de partenaires, et au moins un représentant de chacun des partenaires participe à chacune des assemblées générales de la Société Santé en français (250 personnes au total).

Par leur dynamisme, les réseaux ont contribué non seulement au développement d'un engagement du milieu, mais aussi à la mise en place de structures institutionnelles facilitatrices et d'une volonté politique, des conditions qui avaient été identifiées par le Comité comme étant des facteurs clés à l'amélioration des services de santé en français. En effet, dans plusieurs cas, les réseaux ont développé des relations étroites avec les autorités provinciales (voir tableau qui suit).

La relation entre les réseaux et leur province est en général bonne ou très bonne
Province État de la relation selon la province Rôle du réseau reconnu par la province Participation de la province dans le réseau
Terre-Neuve/Labrador Un défi Aucun Non
Nouvelle-Écosse Très bonne Rôle officiel à venir Oui
Nouveau-Brunswick Très bonne Rôle officiel Oui
Île-du-Prince-Édouard Entre bonne et très bonne Rôle officiel Oui
Ontario Entre bonne et très bonne Rôle officiel Oui
Manitoba Très bonne Rôle officiel Oui
Saskatchewan Un défi Aucun Non
Alberta Bonne Rôle consultatif Non
Colombie-Britannique Très bonne Rôle consultatif Oui
Territoires du Nord-Ouest Un défi Aucun Non
Yukon Bonne Aucun Oui

Ces dernières reconnaissent d'ailleurs avoir de très bonnes ou de bonnes relations avec la quasi-totalité des réseaux. Concrètement, six réseaux (Nouveau-Brunswick - 3 réseaux, Île du Prince-Édouard, Ontario et Manitoba) se sont vu donner un rôle officiel de représentant des communautés francophones en matière de santé (voir encadré sur La reconnaissance du rôle officiel du réseau au Manitoba) et un autre pourrait se voir attribuer ce rôle sous peu (Nouvelle-Écosse).

Les réseaux permettent donc aux milieux de se concerter autour des principaux enjeux liés à la santé et, entre autres, de mieux planifier le développement de services de santé en français un peu partout au pays, et ce, selon les besoins, moyens et priorités de chacune des régions. En 2005, un projet visant la planification des services, Préparer le terrain, proposé par la SSF et appuyé par Santé Canada, a justement été amorcé à cet égard par les réseaux afin d'appuyer les efforts des ministères provinciaux et territoriaux de la Santé ainsi que des autorités régionales de la santé désireux d'améliorer l'accès à des soins de santé en français pour leur population francophone. Tous les ministères provinciaux et territoriaux ont confirmé leur appui au projet Préparer le terrain.

La reconnaissance du rôle officiel du réseau au Manitoba

Au Manitoba, le ministère de la Santé et celui des Services à la famille et du Logement ont accordé au réseau, soit le Conseil communauté en santé (CCS), le statut de porte-parole officiel de la communauté francophone en matière de santé et de services sociaux. En plus des représentants des autres partenaires de la santé, les règlements du réseau prévoient une représentation gouvernementale incluant des représentants des offices régionaux de la santé ainsi qu'un haut fonctionnaire des ministères de la Santé, des Services à la famille, et du Secrétariat des services en langue française.

Il est de plus entendu que, dans le but d'assurer des liens entre la communauté francophones et les Offices régionaux de la santé, le ministère de la Santé nommera un certain nombre d'administrateurs aux conseils d'administration des ORS désignés bilingues, et ce à partir d'une liste fournie par la Société franco-manitobaine, qui est l'organisme porte-parole provincial de la communauté francophone.

Les activités du CCS s'articulent autour des cinq pôles suivants : le soutien à la planification des services en français; le soutien à l'élaboration et à la mise en oeuvre des plans sur les services en français; la communication et le réseautage; la formation, le recrutement et la rétention des ressources humaines; les services d'appui (traduction, formation linguistique, ressources documentaires, etc.).

Ces plans de soins primaires, préparés à l'échelle de chacune des provinces et chacun des territoires en collaboration avec le milieu, comprennent les éléments suivants: un bilan de la situation de la santé des différentes communautés minoritaires francophones; une identification des besoins; des priorités en matière de soins de santé primaires propres à la situation de chaque communauté minoritaire francophone (par territoire et province); les meilleures stratégies pour atteindre les priorités identifiées (par territoire et par province). Dans la majorité des territoires ou provinces, de tels bilans ou priorités sur les services de santé en français n'existaient pas avant l'effort amorcé par les réseaux. Ces plans doivent servir à fournir une vue d'ensemble des besoins des communautés francophones minoritaires ainsi que des modèles de prestation de soins de santé adaptés à leurs besoins. Dans toutes les provinces et tous les territoires, cet effort de planification a été évalué de façon positive.

Finalement, dans le cadre de leurs activités, les réseaux ont facilité la hiérarchisation, l'organisation et la mise en place d'un grand nombre d'initiatives porteuses (71 initiatives financées à ce jour et 17 projets à venir), reliées à l'accès aux services de santé.

Les principaux défis à relever en matière de réseautage

Si le réseautage, tel qu'envisagé par le CCCFSM en 2001, s'avère une initiative originale avec des résultats porteurs jusqu'à présent, il importe aussi de cerner, dans une perspective d'amélioration ou d'ajustement, les principaux défis qui demeurent.

  • L'établissement de relations productives avec toutes les provinceset territoires: Dans la plupart des provinces et territoires, les réseaux mis en place ont su développer des relations constructives avec les autorités responsables de la santé. Cet aspect est crucial étant donné le rôle et l'implication des provinces ou territoires dans le domaine de la santé. Il importe de maintenir de telles relations dans les provinces ou territoires où les liens sont bons et chercher à établir de meilleures collaborations dans les autres.
  • La mobilisation des professionnels et des institutions de santé. Les réseaux ont consacré une bonne partie de leurs efforts dans les dernières années à l'identification des besoins, à l'établissement des priorités et à la mise en place de certaines initiatives soutenues par le programme FASSP. Pour s'assurer une amélioration pérenne des services de santé en français, il importera aussi dans les prochaines années de mobiliser encore davantage les professionnels et les institutions de chacune des communautés afin de les amener à proposer une offre proactive de services en français. La portée et les types de réseaux devront par le fait même s'étendre, autant au niveau local que régional ou national (avec les associations de professionnels par exemple).
  • La disponibilité de personnes qualifiées. Le succès du rôle de réseautage est étroitement lié au profil et aux compétences des responsables de réseaux. La disponibilité de personnes qualifiées pour prendre en charge et animer les réseaux devient un défi important si l'on considère les compétences nécessaires (idéalement des «soft skills» élevées en leadership et des «hard skills» significatives en santé), les bassins de personnel existants dans les communautés et la précarité des postes offerts (un financement limité, incertain et de durée limitée).

Les réalisations à ce jour en matière de formation

En matière de formation, l'évaluation de mi-parcours permet de constater que le projet du CNFS dépasse les résultats anticipés, et ce, pour chacun des trois indicateurs de rendement qui avaient été présélectionnés 8. Ainsi, depuis 2003, le CNFS a généré:

  • 1428 inscriptions additionnelles, un taux de réussite de 33% supérieur aux prévisions effectuées;
  • 296 diplômés additionnels, soit un taux de réussite de 32% supérieur aux prévisions de mi-parcours;
  • 4045 journées de formation additionnelles ou 110207 jours-étudiants d'étude.

À noter que l'écart important entre les inscriptions et les diplômés s'explique par les étudiants qui n'avaient pas encore terminé leur cycle de formation au moment de l'évaluation en mars 2006.

Un nombre d'inscriptions additionnelles CNFS qui excède les résultats attendus
Institution Inscriptions prévues Inscriptions réelles Niveau d'atteinte des résultats
Collège Boréal 191 235 123 %
Collège communautaire du Nouveau-Brunswick -Campus de Campbellton 152 136 89 %
Collège universitaire de Saint-Boniface 90 95 106 %
La Cité collégiale 265 410 155 %
Entente Québec/Nouveau-Brunswick 29 21 72 %
Campus Saint-Jean 32 26 81 %
Université Laurentienne 89 109 122 %
Université de Moncton 125 249 199 %
Université d'Ottawa 87 131 151 %
Université Sainte-Anne 13 16 123 %
ENSEMBLE DU CNFS 1 073 1 428 133 %

Si l'on s'attarde à la répartition totale des inscriptions selon le type de formation, on remarque d'abord que des inscriptions au sein CNFS ont été effectuées dans cinquante-huit (58) champs de formation, soit vingt-huit (28) au collégial et trente (30) à l'université. De plus, les soins infirmiers constituent le principal champ de compétences qui fut stimulé par l'initiative (près de 33% des inscriptions totales). Si on ajoute les quatre principaux types de formation qui suivent - soit le service social, les soins ambulanciers, l'hygiène dentaire et l'ergothérapie/ physiothérapie - cela représente près de 50% des inscriptions totales. À noter que les types de formation cadrent bien avec les objectifs poursuivis, puisque la plupart sont étroitement liés à la dispensation de soins primaires et que dans toutes ces professions, la communication avec le patient est un élément clé du service de santé offert.

Répartition des inscriptions totales dans les insitutions membres du CNFS

Répartition des inscriptions totales dans les insitutions membres du CNFS

Par ailleurs, on ne peut distinguer spécifiquement la provenance géographique des étudiants ayant bénéficié des inscriptions additionnelles au sein des institutions membres du CNFS. On peut néanmoins s'attarder à la provenance géographique de tous les étudiants fréquentant les programmes visés (places historiques et places additionnelles). Sans surprise, on observe une forte concentration d'étudiants provenant de l'Ontario et du Nouveau-Brunswick (près de 78% des inscriptions totales), c'est-à-dire dans les régions où l'on retrouve les plus fortes concentrations de francophones en situation minoritaire, de même que les lieux des principales institutions existantes (voir schéma de page suivante). Cette concentration dépasse toutefois le poids de leurs communautés francophones dans le total des communautés francophones en situation minoritaire au Canada. En fait, on observe trois grands niveaux de «pénétration» des programmes de formation en santé des institutions du CNFS dans les provinces:

  • Ontario et Nouveau-Brunswick (4,5 à 5,0 inscriptions par millier de francophones)
  • Manitoba, Île-du-Prince-Édouard, Yukon et Territoires du Nord-Ouest (1,5 à 2,5 inscriptions par millier de francophones)
  • Autres provinces (moins de 1,0 inscription par millier de francophones).

Si les initiatives des dernières années ont permis de hausser sensiblement le nombre d'étudiants qui entreprennent des carrières en santé, on remarque toujours des disparités importantes selon les régions d'appartenance des étudiants.

Provenance géographique des étudiants

Au-delà du nombre d'étudiants et de programmes additionnels, les activités du CNFS ont permis d'augmenter les capacités d'enseignement en français pour les professions de la santé (ajout de 65 professeurs et de 70 autres postes), de développer l'infrastructure de stages (198 stages additionnels) et d'accroître le rayonnement géographique des institutions (83 cours médiatisés). Par ailleurs, certaines institutions membres ont contribué à sensibiliser les jeunes francophones à des carrières en santé en adoptant une approche proactive de promotion et de recrutement incluant l'élaboration de campagnes ciblées sur les éléments déclencheurs qui influencent le choix de carrière. De plus, le nombre accru de stagiaires sur le terrain a permis de rendre les services en français plus visibles dans les communautés, tout en renforçant l'existence d'une offre active dans les institutions dispensatrices de services de santé.

Le lancement de nouveaux programmes par le CNFS a aussi excédé les prévisions initiales. En effet, les 10 institutions s'étaient initialement engagées à développer et à lancer 20 programmes d'études postsecondaires, mais elles prévoient maintenant atteindre 28 programmes, soit une augmentation de 40% par rapport à leurs engagements contractuels du début. À ce jour, elles ont déjà développé et lancé 16 nouveaux programmes parmi lesquels on compte les suivants:

  • Collège communautaire du Nouveau-Brunswick - Campbellton : techniques d'électrophysiologie médicale, aide en santé (à distance), soins palliatifs (à distance), techniques de thérapie respiratoire
  • Campus Saint-Jean - baccalauréat en sciences infirmières
  • Université Sainte-Anne - soins ambulanciers avancés (collégial)
  • Collège Boréal : gérontologie, assistant physiothérapeute - assistant ergothérapeute
  • La Cité collégiale : programme pour les infirmiers et infirmières formés à l'étranger, commis de bureau, pré sciences de la santé, services de soutien à l'intégration, autisme et sciences du comportement, soins palliatifs
  • Université de Moncton : maîtrise en sciences infirmières - infirmières praticiennes, baccalauréat articulé en thérapie respiratoire

Il ne faut pas négliger non plus les collaborations suscitées par les activités du CNFS. Plusieurs des nouveaux programmes proviennent de partenariats nouveaux entre établissements de même niveau d'enseignement ou non (c'est-à-dire collégial-universitaire). Ces projets communs ont permis de combler plus rapidement des lacunes dans les secteurs les plus en demande (voir tableau qui suit).

Les collaborations entre les institution membre
Institution Programme postsecondaire
La Cité collégiale - Collège communautaire du Nouveau-Brunswick - Campbellton Soins palliatifs
La Cité collégiale - Université d'Ottawa Radio-oncologie - en septembre 2007
Université Laurentienne - Collège Boréal Sciences infirmières - bac
Université d'Ottawa - Collège universitaire de Saint-Boniface Sciences infirmières - diplômes et bac
Université Laurentienne - Université Sainte-Anne Travail social - bac - en septembre 2006
Université Sainte-Anne - La Cité collégiale Partage du contenu du programme de soins ambulanciers avancés et partenariat pour médiatisation des cours
La Cité Collégiale - Collège Boréal - Partage de matériel didactique Post-diplôme gérontologie, soins palliatifs, soins dentaires niveau avancé
Université de Moncton - Collège communautaire du Nouveau-Brunswick - Campbellton Thérapie respiratoire (bac appliqué); science de laboratoire médical (bac appliqué); techniques radiologiques (bac appliqué)

Enfin, on doit aussi souligner l'implantation de programmes existants dans de nouvelles régions, ce qui a permis d'accroître l'offre territoriale de formation en français. Sans compter que ces programmes permettent souvent à des professionnels de la santé d'effectuer une partie ou la totalité de leur formation en demeurant dans leur communauté ou près de leur communauté. Ce faisant, ils maintiennent des liens avec leur milieu d'origine, favorisant ainsi l'orientation de la formation en fonction des besoins du territoire et augmentant, à terme, les chances de placement du professionnel dans la communauté d'origine. Quatre initiatives se sont démarquées à cet égard:

  • L'entente Québec/Nouveau-Brunswick pour la création du Centre de formation médicale du Nouveau-Brunswick et son rayonnement atlantique, voire même national 9;
  • Le Collège Boréal, dans l'implantation de programmes de formation en santé dans cinq (5) nouvelles régions du nord et du sud de l'Ontario (voir encadré L'élargissement du rayonnement du Collège Boréal);
  • Le Collège communautaire du Nouveau-Brunswick-Campus de Campbellton, avec l'implantation d'un programme dans la péninsule acadienne; et
  • La Cité collégiale, dans son soutien pédagogique, administratif et financier à la création d'un programme en Colombie-Britannique en collaboration avec Éducacentre.

L'élargissement du rayonnement du Collège Boréal

Au cours des dernières années, le Collège Boréal a étendu ses activités de formation en santé à différentes régions de l'Ontario. Voici les divers programmes implantés dans de nouvelles communautés par le Collège Boréal:

2003-2004

Le programme de préposé aux services de soutien personnel à Kapuskasing

2004-2005

Le programme de préposé aux services de soutien personnel à Timmins et Hamilton dans la région du Centre-Sud-Ouest.

2005-2006

1) Le programme de techniques de travail social au campus de Timmins;
2) Le programme de pré-sciences de la santé dans tous les campus du Nord (5 communautés)

  1. Hearst
  2. Kapuskasing
  3. Timmins
  4. New Liskeard
  5. Nipissing

2006-2007

1) Le programme de soins infirmiers auxiliaires dans les communautés de

  1. Hearst,
  2. Kapuskasing,
  3. Timmins,
  4. New Liskeard

2) Deuxième offre de techniques de travail social au campus de Timmins

Les principaux défis à relever en matière de formation

Si les résultats obtenus en matière de formation excèdent les objectifs fixés jusqu'à présent, il importe aussi d'aller plus loin afin de s'assurer que le nombre de nouveaux professionnels formés s'établissent dans les communautés et répondent aux besoins spécifiques de ces communautés. Dans une perspective d'amélioration ou d'ajustement, les principaux défis qui demeurent sont:

  • Le retour ou l'établissement des diplômés dans les communautés. Au-delà du nombre de nouveaux diplômés dans le domaine de la santé, il importe de tout mettre en oeuvre pour que ces nouveaux professionnels pratiquent dans les communautés francophones en situation minoritaire. De même, il importe de chercher à répondre le plus possible aux besoins des communautés de toutes les régions canadiennes, notamment en portant une attention spécifique aux disparités importantes selon les régions d'appartenance des étudiants.
  • L'arrimage entre la formation donnée et les besoins prioritaires des communautés. Jusqu'à tout récemment, il existait peu d'information sur les besoins spécifiques des diverses communautés. L'exercice Préparer le terrain, de même que la disponibilité prochaine de données plus robustes sur l'état de santé des francophones en situation minoritaire permettra de mieux cerner les besoins globaux selon les divers type de professionnels de la santé, de même que la répartition de ces besoins selon les diverses régions. Il importe de capitaliser sur ces renseignements afin d'arrimer encore davantage la formation donnée avec les besoins prioritaires des communautés.
  • La disponibilité de stages dans les communautés. La possibilité de réaliser un stage dans une communauté francophone en situation minoritaire, voire dans sa région d'appartenance, augmente la probabilité d'établissement ou de retour dans la communauté. Il importe par conséquent de continuer de consacrer des efforts significatifs à l'accroissement et à la répartition géographique des stages, de même qu'au développement et au soutien des coordonnateurs de stages.
  • L'équilibrage de la répartition géographique des étudiants inscrits. Les initiatives des dernières années ont permis de hausser significativement le nombre d'étudiants francophones qui entreprennent des carrières en santé. Par contre, on remarque encore des disparités importantes selon les régions d'appartenance des étudiants. Il importe de déployer de nouveaux efforts pour atténuer ces écarts.

On comprendra par ailleurs que ces défis nécessitent non seulement une collaboration des institutions membres de la CNFS, mais un engagement de plusieurs autres types intervenants (réseaux, professionnels, institutions de santé, etc.)

Les réalisations en matière de recherche

Une Commission conjointe de la recherche sur la santé des communautés francophones en situation minoritaire (CFSM) a été mise sur pied grâce à un partenariat entre le CNFS et la SSF. Son mandat est de créer un cadre favorable au développement de la recherche dans ce domaine et de favoriser l'accès aux données existantes ainsi qu'au financement de diverses sources. Un partenariat avec l'Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques apporte une expertise de recherche sur les communautés francophones en situation minoritaire et une entente avec le CNFS a permis de consacrer une ressource humaine à plein temps à la coordination nationale.

Depuis sa création en 2003, la Commission s'est consacrée à mieux comprendre la problématique de la recherche sur la santé des francophones vivant en situation minoritaire, à développer un cadre conceptuel directeur et à cerner les principaux besoins de recherche. Trois thématiques prioritaires de recherche ont été identifiées: 1) les déterminants de la santé; 2) la gouvernance, la gestion et la prestation des services de santé en français; 3) les liens entre langue, culture et santé. De surcroît, un important effort de sensibilisation au domaine de recherche a été entamé pour mobiliser les organismes nationaux de subventions de la recherche, et notamment les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC).

Parmi les réalisations concrètes dans ce secteur, il faut mentionner:

  • L'organisation de trois forums régionaux et d'un premier forum national sur la recherche en santé en françaisintitulé«La recherche, un levier pouraméliorer la santé», tenu à Ottawa en novembre 2004 qui ont conduit à l'identification des trois thématiques nationales de recherche sur la santé des CFSM et à un début de réseautage des chercheurs intéressés à ces domaines de recherche.
  • Le développement d'un cadre de référence pour orienter la recherche à effectuer et s'assurer qu'elle soit appliquée et ancrée sur les besoins des CFSM;
  • Diverses activités de réseautage et d'appui à l'élaboration de projets de recherche qui ont permis de soumettre onze projets et initiatives de recherche pour financement aux organismes nationaux subventionnaires de la recherche (IRSC et CRSH). Cinq projets ont obtenu du financement (voir l'encadré Projets de recherche subventionnés par des organismes externes);
  • L'élaboration et la mise en oeuvre d'une stratégie de sensibilisation auprès des conseils nationaux de recherche. Un Comité consultatif des IRSC sur les communautés de langue officielle en situation minoritaire a été mis sur pied, ce qui a permis le lancement d'une première initiative stratégique de financement de recherche (appel prioritaire avec des fonds dédiés à ce champ de recherche) et la création d'un plan stratégique de recherche pour 2006-2009.
  • Plusieurs initiatives de recherche locales (démarrage de projets, recension des écrits, participation à des colloques, etc.) ont été financées par les institutions membres du CNFS (500$ à 2000$) permettant de soutenir des dizaines d'étudiants (72 étudiants ont reçu des bourses de 500$ à 1000$) et de petits projets de recherche.
  • Une recension des écrits (bibliographie thématique sur le site internet du CNFS) et quelques écrits de recherche sur la situation des communautés linguistiques en situation minoritaire relative aux soins de santé ont été publiés (par exemple le rapport de décembre 2005 sur la santé des CFSM en Ontario qui valident la pertinence des orientations prises10).

Projets de recherche subventionnés par des organismes externes

Cinq subventions, sur onze propositions, ont été obtenues dans le cadre des activités du volet national de recherche du Secrétariat national du Consortium national de formation en santé (2004-2006).

2004 - IRSC (Instituts de recherche en santé du Canada)

  • Les déterminants de la santé des minorités francophones: une analyse secondaire de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes, BOUCHARD, Louise, GILBERT, Anne et al., 60680$ (2004-2005).
  • Soutien à l'organisation du 1er Forum national de recherche sur la santé des communautés francophones en situation minoritaire et l'étude intitulée L'état de la recherche sur la santé des communautés francophones en situation minoritaire, subvention obtenue par le Consortium national de formation en santé, 30000$ (2004).

2006 - IRSC (Instituts de recherche en santé du Canada)

  • Étude des facteurs socio-environnementaux, culturels et structurels qui influent sur les disparités en matière de santé chez les francophones en situation minoritaire: création d'un réseau national. Leis A., Bouchard L. et al. Lettre d'intention 5000$ (2005) et 748929$ (2006-2011).
  • Mortalité dans les communautés de langue officielle en situation minoritaire, 1991-2001», Louise Bouchard, Jean-Marie Berthelot et Marie-Hélène Chomienne, 100528$ (2006-2008).

2006 - CRSH (Conseil de recherche en sciences humaines)

  • Le fait minoritaire et les interventions dans le champde la santé: capital social et rapport à la majorité, Louise Bouchard, Maurice Lévesque et Anne Gilbert, 117702$ (2006-2009).

Si d'un côté, on peut se réjouir des progrès accomplis, il n'en reste pas moins que les activités de recherche sont encore timides et que l'état des connaissances sur la santé des CFSM est en émergence. Les liens entre les institutions académiques, les milieux de pratique et les partenaires communautaires sont un ingrédient majeur il est crucial que les organismes subventionnaires avec d'autres partenaires (Patrimoine canadien, Santé Canada) assurent un financement durable à une problématique aussi importante que les enjeux de langue officielle dans le contexte canadien, afin d'assurer une production continue de connaissances sur la santé des CFSM grâce à des études plus larges et représentatives des francophones dans un grand nombre de provinces menées par un réseau coordonné de chercheurs.

Les principaux défis à relever en matière de recherche

La recherche n'a pas été un de leviers priorisés par le Plan de 2003. Malgré cela, certains progrès ont été réalisés, notamment au niveau de la concertation et de la sensibilisation des principaux intervenants. Par ailleurs, il est évident que la recherche peut et doit soutenir les objectifs stratégiques poursuivis par le Comité. Pour pleinement jouer ce rôle, il importera d'adresser ces principaux défis:

  • L'orientation de la recherche réalisée. Les thématiques retenues par la Commission conjointe sont porteuses car elles visent notamment à mieux comprendre comment on peut améliorer la santé des francophones en situation minoritaire et à cerner des modèles de livraison performants pour atteindre ces résultats. Il importe de s'assurer que la recherche soutenue continue de s'inscrire dans les thématiques retenues, que l'aspect pratique et opérationnel soit étroitement intégré aux démarches d'analyse et que les résultats ou leçons soient diffusés rapidement chez tous les intervenants concernés. En somme, il faut chercher à lier le plus possible cette recherche avec les besoins du milieu et que les résultats obtenus puissent servir d'aide à la décision/planification des responsables dans les communautés.
  • La masse critique à établir. Les ressources disponibles pour la recherche ne permettront probablement jamais d'établir une capacité de recherche viable à l'échelle du pays. Pour éviter un éparpillement trop grand des efforts, il importe d'adopter une approche de masse critique et par le fait même de concentrer les énergies sur un nombre plus restreint de noyaux forts de recherche. Ces noyaux pourront regrouper des chercheurs de diverses régions géographiques, mais ils seront formés autour de projets structurants communs.
  • La mise en place de mesures structurantes. Au-delà des masses critiques à développer, il importe de s'assurer que d'autres mesures structurantes soient en place pour faciliter la réalisation de recherche d'envergure et pertinente aux besoins des communautés. En particulier, il faut favoriser une certaine continuité et cohésion dans les équipes ou dans la poursuite des travaux soutenus et éviter une approche qui soit trop ad hoc.

Les réalisations en matière d'accès aux services de santé

Le levier accès aux services de santé vise à améliorer ou à développer des services de soins de santé adaptés aux réalités des régions et des communautés, au sein des systèmes de santé provinciaux/territoriaux. C'est par le biais des réseaux qui ont structuré plus de 71 projets FASSP, en partenariat avec le milieu, que la SSF a eu un réel impact sur la visibilité et l'accès aux services de santé, impact qui ne fait que commencer à se matérialiser. En effet, plus de la moitié des projets structurés ne seront achevés qu'en septembre 2006. De plus, certaines communautés ont pris plus de temps à s'organiser et à soumettre des projets dans le cadre de la première vague des projets FASSP.

Ces projets sont répartis géographiquement de la façon suivante:

La répartition géographique des projets FASSP à ce jour

Les projets reliés à l'accès aux services de santé qui ont été structurés par les réseaux sont de plusieurs ordres, soit:

  • Une meilleure organisation de l'information reliée aux ressources en place de façon à accroître la visibilité de l'offre et à améliorer la capacité de répondre à la demande - environ dix-sept (17) initiatives (voir encadré Répertoire des professionnels de la santé en Nouvelle-Écosse et Le développement du Guide-Santé pour la Colombie-Britannique et le Yukon);
  • La prévention et la promotion de la santé auprès de la communauté, dont plusieurs initiatives visant directement les jeunes (4 initiatives) et les aînés (5 initiatives) - environ dix-sept (17) initiatives;
  • Le développement d'une meilleure coordination des soins de santé en français dans une région de façon à accroître l'accès et améliorer la planification du développement des services - environ dix-huit (18) initiatives;
  • L'accès à distance à des services d'information et de prévention ainsi qu'à des soins spécialisés (oncologie, cardiologie et santé mentale) par le moyen de technologies traditionnelles ou de pointe (centre d'appels, internet, vidéoconférence, télémédecine) - environ six (6) initiatives;

Répertoire des professionnels de la santé en nouvelle-écosse

En Nouvelle-Écosse, un investissement de 155000$ de Santé Canada dans le cadre du programme FASSP a permis de créer un répertoire de soins primaires offerts en français et accessible sur le site Internet du gouvernement. Ces données serviront à mieux informer la communauté francophone et à améliorer l'accès aux services en français. Une campagne publicitaire fait la promotion du répertoire auprès du public qui pourra dorénavant être mieux orienté vers des services dans sa langue.

Le soutien aux professionnels de la santé par le réseautage ou le développement de matériel de soutien en français - une seule initiative vise cet objectif de façon prioritaire, mais plusieurs autres répertoriées ci-dessus incluent une composante touchant directement le soutien aux professionnels;

La création de nouveaux points de services de santé primaires et parfois spécialisés en français, dans des établissements de santé existants ou nouveaux (centre communautaire ou hôpital)ou même dans des écoles (services de prévention, dépistage et évaluation) - environ neuf (9) initiatives (voir encadré Le projet du Centre de bien-être Lourdéon, Manitoba).

Le développement du Guide-Santé pour la Colombie-Britannique et le Yukon

Le projet du Guide Santé est issu d'une collaboration étroite entre le ministère provincial de la Santé, le Bureau des affaires francophones et le réseau de Colombie-Britannique qui visait la production, la distribution et la promotion de la version française d'un guide de 400 pages, qui permet de répondre en français aux besoins essentiels en matière d'information sur la santé de façon à favoriser la prise en charge de leur santé par les francophones de la Colombie-Britannique et du Yukon.

À ce jour, 12000 copies du guide ont été distribuées et les autorités gouvernementales se sont engagées à poursuivre la distribution des 12000 exemplaires restants. Des ateliers ont été organisés dans toutes les régions de la province pour aider à bien se servir du guide, de la ligne infirmière et des fiches santé; de plus, des événements promotionnels dans la communauté

Le projet du Centre de bien-être Lourdéon, Manitoba

À Notre-Dame-de-Lourdes, petite communauté de 619 résidents du sud-ouest du Manitoba, les gens doivent faire plus d'une heure de route pour accéder à certains services de santé, offerts uniquement en anglais, ce qui, selon le docteur Fortier, médecin à Notre-Dame-de-Lourdes, décourage plusieurs de s'en prévaloir, étant donné que plus de 80% de la population locale est francophone ou bilingue, que plusieurs d'entre eux ont beaucoup de difficulté à s'exprimer en anglais et qu'ils préfèrent ne pas se faire traiter si le service n'est pas offert en français.

La communauté s'est donc dotée d'un projet mobilisateur, le nouveau Centre de Santé dont le coût total est estimé à 2,9M$, qui assurera localement la prestation de services de santé bilingues pour les résidents de Notre-Dame-de-Lourdes et des environs. En plus d'offrir plus de services aux gens dans leur communauté en français, le projet Lourdeon veut aussi former davantage de personnel bilingue sur place. L'approche adoptée met l'accent sur les soins de santé primaires au sens large, la gestion des maladies chroniques et la prévention des blessures. Elle encourage les gens à prendre leur santé en main et les appuie dans leur démarche.

Un financement initial de 30000$ de Santé Canada par le biais de la SSF a permis de démarrer le projet: embauche d'un architecte, embauche d'une consultante pour sonder la population sur ses attentes, ses besoins immédiats et futurs, production d'un dépliant d'information, et promotion en vue d'obtenir d'autres fonds. Forte de ce levier, la communauté a réussi à amasser 1,5M$, par une collecte bénévole dans la communauté (porte-à-porte), l'organisation d'événements et la sollicitation des différentes fondations et organismes privés. La province a aussi contribué à raison de 500000$ au projet. La communauté est aujourd'hui à amasser les derniers fonds requis à ce projet d'envergure dont l'impact sur la santé de la minorité francophone sera de taille.

Des efforts importants ont donc été déployés et démontrent un réel engagement des différents groupes d'intervenants et une plus grande prise en charge des communautés. En effet, le leadership des initiatives appartient aux autorités régionales dans un tiers des cas, aux agences de santé (hôpitaux, centres communautaires) dans un tiers des cas et à la communauté dans un tiers des cas (souvent par le biais du réseau lui-même). De plus, dans tous les cas, les communautés ont été impliquées dans la hiérarchisation des projets. Sans compter que ces initiatives ont eu un effet levier souvent significatif au niveau provincial. Les projets FASSP ont été structurés de telle sorte qu'ils ont associé dès le départ les autorités provinciales. Sans négliger la contribution financière des provinces, ces projets ont aussi contribué à engager les autorités provinciales dans la démarche d'amélioration des services de santé aux communautés francophones minoritaires et, par le fait même, favorisé une ouverture de leurs instances aux besoins des ces communautés.

Au moment de la rédaction de ce rapport, l'impact de ces initiatives ne faisait cependant que commencer à être visible étant donné que plus de la moitié des projets structurés étaient en cours de réalisation. Néanmoins, une analyse quantitative a permis de noter une légère amélioration de l'accès à certains services de santé entre juin 2001 et mai 2006, bien que pour presque tous les services analysés, près des deux tiers des 72 régions n'ont toujours pas ou très rarement accès à des services en français 11.

Un accès en légère amélioration

Les services où l'on note les améliorations les plus significatives sont les centres d'appel et les services destinés aux personnes âgées. Il est utile de souligner que l'implication des provinces a été cruciale dans le cas des centres d'appels et de la collaboration des communautés dans le cas de services aux personnes âgées. Par ailleurs, il importe de mentionner que l'évolution observée s'inscrit aussi dans le cadre des priorités qui avaient été établies par le comité en 2001: prévention/promotion, soins primaires, aînés et enfants.

Plus globalement, nous estimons qu'alors qu'en 2001 plus de 50 à 55% des francophones en situation minoritaire n'avaient que rarement ou jamais accès à des services dans leur langue, cette proportion a diminué, en mai 2006, à environ 45 à 50%.

Les principaux défis à relever en matière d'accès aux services

La consolidation et la création de lieux d'accès sont certes de puissants leviers pour améliorer les services de santé aux francophones en situation minoritaire. Les projets FASSP représentent un modeste départ, mais ces projets sont en parallèle porteurs de beaucoup d'espoir. Pour poursuivre dans cette voie, il importera cependant d'adresser certains défis majeurs.

  • La mobilisation des instances responsables des services. La continuité ou la pérennité de la plupart des initiatives entreprises exigent un soutien qui soit maintenu ou renouvelé dans le temps. Afin de favoriser ce soutien, les projets FASSP ont cherché, avec succès, à susciter l'engagement de l'ensemble des parties responsables et à confier le leadership des initiatives aux intervenants clés. Pour s'assurer que les mesures entreprises se poursuivent, il importera de maintenir la mobilisation des instances responsables des services, notamment en démontrant les bénéfices générés par ces initiatives.
  • La priorisation des projets. Les besoins seront fort probablement toujours supérieurs aux ressources disponibles. Il importe par conséquent que chacune des communautés cernent bien les projets les plus importants, et ce, en fonction de leurs besoins spécifiques et des priorités des autorités de la santé.
  • Les synergies/complémentarités entre les projets. Si les ressources limitées forcent à prioriser certains projets, il importe en parallèle d'éviter les dédoublements non nécessaires, de combiner certains efforts, de partager les leçons et meilleures pratiques entre les communautés, etc. Au cours des dernières années, cet aspect a été moins intégré au processus de sélection des projets car il était important d'amorcer un momentum dans toutes les régions et les projets étaient d'envergure limitée.
  • Le développement de modèles adaptés aux diverses communautés. Les solutions pour améliorer la situation des francophones en situation minoritaire ne sont pas uniques. Plusieurs facteurs expliquent cette nécessité d'adopter des approches variées selon les communautés: taille différente des communautés, densité différente, état de santé différent, démographie différente, disponibilité de ressources différente... Il importe par conséquent de développer des modèles de prestation de services qui soient adaptés aux spécificités des diverses communautés.

Les réalisations en matière de technologie

Bien qu'aucune enveloppe n'ait été dédiée spécifiquement au levier technologie, certaines initiatives répertoriées ci-dessus et financées à même l'enveloppe FASSP, notamment concernant l'accès à distance, comportent une composante technologique. Cependant, le plein potentiel de ce levier, notamment en matière d'accès aux services de santé pour les minorités francophones dans les régions rurales ou éloignées, n'a pas été réalisé dans le cadre des activités soutenues par le financement fédéral. Comme nous le verrons plus loin, ce levier implique toutefois généralement des investissements majeurs et doit être réalisé en collaboration étroite avec les provinces. Cet aspect constitue d'ailleurs le principal défi associé à ce levier. Il importe en effet que les besoins des francophones en situation minoritaire soient bien intégrés dans les initiatives technologiques visant la province ou le territoire en entier. En somme, il faut s'assurer que le volet francophone soit bien présent dans le montage des dossiers de technologie de la santé et que son opportunité soit démontrée.

La mise en place de conditions facilitant les changements souhaités

En somme, les activités soutenues financièrement par le plan fédéral auront permis de développer depuis 2003 un certain nombre de conditions «facilitantes», dont notamment la concertation des cinq grands groupes de partenaires, la mobilisation des institutions de formation, l'amélioration du contexte légal, le développement de relations porteuses avec les provinces, l'émergence de données de recherche, ou encore, la participation accrue des communautés. Ces conditions constituaient les assises de la stratégie souhaitée par le Comité en 2001 pour atteindre les objectifs stratégiques. On peut constater à mi-parcours une sensibilisation accrue des communautés, une mobilisation des partenaires, une reconnaissance des réseaux comme interlocuteurs crédibles capables de faire le pont entre les besoins des communautés et les systèmes de santé, ainsi que l'élaboration de plans de développement par les provinces. L'approche mise en place depuis 2001 a d'ailleurs été reconnue par le Network-Towards Unity for Health (TUFH), associé à l'Organisation mondiale de la santé, comme étant innovatrice et répondant aux besoins des communautés.

De plus, les activités de la SSF et de ses réseaux ont permis d'être catalyseurs et de développer des initiatives prometteuses reliées à l'accroissement de la visibilité des ressources de même qu'au développement de l'offre, alors que celles du CNFS et de ses institutions membres ont permis d'accroître, et continueront d'accroître, le nombre de professionnels disponibles, que ce soit par la formation de nouveaux diplômés ou la mise à niveau de compétences par le biais de la formation continue.

Les activités soutenues financièrement ont permis d'amorcer le «momentum» recherché et apparaissent encore aujourd'hui pertinentes. Plusieurs obstacles demeurent cependant importants, que ce soit en ce qui a trait à la disponibilité de professionnels, la visibilité de l'offre ou l'accès aux services encore limité. Il sera donc primordial de capitaliser sur les efforts déployés jusqu'à présent et d'ajuster dans certains cas le tir afin d'aller plus loin et idéalement plus rapidement.

Le bilan des activités soutenues financièrement

Le bilan global de la stratégie et les ajustements souhaitables

Il ne fait aucun doute que la situation de 2006 est plus favorable en matière d'accessibilité aux services de santé en français qu'en 2001. Un progrès majeur a été accompli dans un court délai 12. Les diverses réalisations découlant des initiatives du Plan d'action de 2003 ne sont pas étrangères à cette évolution. Par contre, il est également évident qu'un effort encore important et soutenu sera nécessaire pour réaliser les changements structurels souhaités. De même, il importe de reconnaître que les mesures actuelles comportaient au départ, et toujours aujourd'hui, des limites. Pour chacun des deux grands objectifs, soit l'accroissement de la disponibilité de professionnels de la santé francophones dans les communautés et l'amélioration de l'accès aux services de santé en français, il est nécessaire de faire plus et, dans certains cas, possiblement de faire autrement.

Dans le cadre de l'actualisation de sa stratégie, le CCCFSM a donc cherché à tirer parti des améliorations récentes, tout en prévoyant les ajustements nécessaires pour atteindre mieux et plus rapidement les objectifs souhaités. Dans cet esprit, le Comité a identifié six (6) sous-objectifs permettant d'accroître la disponibilité de professionnels francophones dans les communautés minoritaires et d'améliorer l'accès aux services de santé en français:

  • Augmenter le bassin de professionnels de la santé francophones;
  • Favoriser le placement des diplômés dans les communautés;
  • Attirer et retenir les professionnels dans les communautés;
  • Mobiliser les professionnels présents dans les communautés;
  • Sensibiliser et engager le milieu;
  • Développer une offre active de services de santé.

L'approche globale retenue

Les sous-objectifs 1, 5 et 6 étaient déjà explicitement reconnus dans les objectifs associés aux initiatives soutenues financièrement depuis 2003. Les sous-objectifs 2, 3 et 4 n'étaient pas aussi clairement énoncés et méritent une attention et des actions spécifiques.

1. Augmenter le bassin de professionnels de la santé francophones

Le nombre de professionnels de la santé est un enjeu depuis plusieurs années au Canada et continuera d'être une problématique clé de la santé de la population au cours des prochaines années en raison des tendances démographiques, et ce, quelle que soit la langue utilisée par le professionnel 13. L'accès à des services de santé en français pour les communautés francophones vivant en situation minoritaire devient par conséquent encore plus problématique et ne sera donc réalisable que si toutes les avenues susceptibles d'augmenter le nombre de professionnels capables d'offrir ces services en français sont envisagées. Pour accroître la disponibilité de professionnels francophones, il importera par conséquent de travailler sur tous les bassins potentiels, soit:

  • En augmentant le nombre d'étudiants francophones inscrits dans les institutions de formation francophones;
  • En identifiant les étudiants francophones inscrits dans les institutions de formation anglophones;
  • En augmentant le nombre des professionnels existants pouvant/désirant accroître leurs compétences;
  • En offrant des opportunités aux immigrants ayant une formation en santé.

Le projet du CNFS s'est concentré jusqu'à présent sur le premier bassin potentiel de nouveaux professionnels de la santé pouvant s'exprimer en français et, dans une moindre mesure, sur la formation complémentaire de professionnels existants. Alors que la continuité de ces efforts doit être assurée et même renforcée, d'autres mesures ou initiatives sont aussi souhaitables si l'on désire aller plus loin et plus rapidement.

Les étudiants francophones inscrits dans les institutions de formation francophones

Que ce soit par l'accroissement des inscriptions dans les programmes de formation en santé ou la création de nouveaux programmes de formation en santé par ses dix institutions membres et leurs partenaires, le CNFS est en voie de dépasser les attentes qui avaient été définies. Cependant, pour que les efforts déployés et les partenariats créés continuent à porter fruits, il importe au cours des prochaines années de porter une attention à :

  • La continuité des divers programmes de formation entrepris par les institutions membres du CNFS et l'augmentation du nombre d'inscriptions dans les programmes proposés. Les bénéfices des efforts déployés au cours des dernières années dans le développement de cours et la mise en valeur des places additionnelles ne font que commencer à se traduire en nombre accru de diplômés. Il importe de tirer profit au maximum des investissements réalisés depuis 2003;
  • Le développement de nouveaux programmes de formation en français et de partenariats interinstitutionnels. Les efforts des dernières années ont permis de développer un certain nombre de programmes. Or, l'amélioration des services de santé dans les communautés francophones en situation minoritaire exige de prendre en considération une large gamme de qualifications. Il importe par conséquent de continuer à étendre les champs de compétences couverts en y intégrant notamment certains besoins communs et importants à plusieurs communautés. Pour ce faire, il sera nécessaire non seulement de développer de nouveaux programmes, mais d'envisager dans plusieurs cas de nouveaux partenariats entre institutions;
  • L'accroissement de l'offre de programmes et de cours dans les régions dépourvues d'une institution provinciale francophone accréditée. L'expérience des dernières années montre que la provenance géographique des étudiants inscrits aux programmes du CNFS ne répond pas encore totalement aux besoins des communautés et que, notamment, il a été difficile de recruter des étudiants habitant loin des établissements membres. Il importe de poursuivre les efforts pour rapprocher les institutions et les programmes du CNFS des communautés par la délocalisation de portions de programmes et par une offre de formation à distance accrue.

Les étudiants francophones inscrits dans les institutions de formation anglophones

Dans certaines régions où les institutions de formation francophones sont moins présentes, l'Ouest canadien par exemple, il est également pertinent de capitaliser sur le bassin d'étudiants francophones formés dans les établissements postsecondaires anglophones 14, sans compter que certains types de formation en santé ne sont pas offerts par les institutions membres du CNFS. Cette avenue ne doit donc pas être négligée dans la mesure où elle augmente le nombre de professionnels de la santé pouvant s'exprimer en français et accroît la probabilité que l'étudiant reste dans sa communauté une fois sa formation terminée. L'objectif est de chercher à «récupérer» ou intéresser ces diplômés à s'établir dans les communautés francophones minoritaires.

Par contre, pour atteindre les résultats recherchés, il importe de mieux identifier ces francophones inscrits dans des institutions anglophones, de pouvoir leur offrir des moyens et un cadre propice à développer des capacités à pratiquer en français, sans oublier de les encourager et de les aider à oeuvrer dans un milieu francophone une fois leur formation terminée. Toutefois, il importe absolument que cette avenue s'inscrive en continuité avec les objectifs poursuivis par les institutions membres du CNFS. Pour ce faire, des liens accrus entre les réseaux, les institutions de formation anglophones et les institutions membres du CNFS seraient essentielles pour identifier et soutenir les étudiants francophones, développer de nouveaux moyens d'intéressement et de développement de ces personnes afin de faciliter leur passage à un milieu de travail en français, sans compter intéresser ces futurs diplômés à rester dans des communautés francophones et faciliter leur intégration.

Les professionnels existants pouvant/désirant accroître leurs compétences

Les professionnels de la santé déjà présents dans les communautés francophones en situation minoritaire sont des actifs extrêmement précieux. Dans certains cas, ces professionnels veulent mettre à niveau leurs connaissances professionnelles et/ou acquérir des connaissances reliées à des problématiques ponctuelles vécues dans ladite communauté. Dans d'autres cas, ces professionnels de la santé veulent se réorienter vers une autre spécialité du domaine de la santé, idéalement dans un domaine pour lequel un besoin se fait sentir dans la communauté. Finalement, un certain nombre de professionnels pouvant s'exprimer en français, mais ayant effectué leur formation en anglais et travaillé principalement dans des milieux anglophones, pourraient bénéficier d'une formation sur le vocabulaire francophone relié à leur pratique.

Depuis la création du CNFS, les institutions membres ont développé 181 journées additionnelles de formation continue non créditée, et généré par le fait même 5221 jours-étudiants de formation continue additionnelle. Bien que l'ampleur de la formation développée soit significative, le secteur de la formation continue et du perfectionnement n'était pas une priorité du plan précédent et en est par conséquent encore à ses débuts. L'outil est pourtant extrêmement pertinent et efficace et requiert donc un accent additionnel pour rehausser les compétences des professionnels francophones déjà diplômés et réduire les pénuries.

En janvier 2006, le CNFS complétait une étude15 incluant un sondage auprès de 549 professionnels de la santé canadiens sur les besoins en formation clinique et continue. Plusieurs conditions avaient été identifiées en ce qui a trait à la décision d'assister à une session de formation continue, soit:

  • La langue: Tous les répondants souhaitent suivre des sessions de formation en français.
  • L'accessibilité: Les répondants préfèrent des sessions de formation facilement accessibles (en personne ou par des moyens technologiques) en raison de contraintes personnelles, familiales et professionnelles.
  • La pertinence: Les répondants apprécient la formation reliée aux thématiques de leur profession et de leur milieu de travail, qui reflète leurs particularités régionales.
  • La concordance avec l'horaire de travail: Les répondants privilégient fortement les sessions de formation continue qui se donnent sur place, dans leur région, et qui sont adaptées à leurs horaires de travail.
  • Les coûts associés: La majorité des répondants estime que leurs employeurs doivent participer aux frais de la formation. Lorsque cette option s'avère impossible, la formation continue doit être offerte à des coûts abordables.

Les immigrants ayant une formation en santé

L'intégration d'immigrants qualifiés d'expression française au sein des communautés minoritaires francophones constitue une avenue importante permettant d'accroître rapidement et à coût raisonnable le nombre de professionnels de la santé francophones dans les communautés minoritaires. Par des formations qui sont souvent de courte durée en santé, il est possible d'intéresser vivement ces nouveaux arrivants puisqu'elles leur offrent une voie d'accès rapide au marché du travail. Il s'agit également souvent d'une porte d'entrée qui leur permet de gravir plus tard les échelons de la qualification académique dans les professions de la santé 16. Le gouvernement canadien a bien reconnu cette opportunité et a même pris des engagements dans son budget 2006 en proposant la création d'une Agence canadienne d'évaluation et de reconnaissance des titres de compétences. Cependant, la teneur précise du mandat de cette Agence reste une préoccupation, de même que le manque d'accès à des programmes de formation d'appoint offerts en français.

À ce jour, on doit reconnaître que les efforts consacrés à cette avenue, autant par le CNFS que la SSF, n'ont pas été suffisamment importants et on est ainsi loin de tirer le plein potentiel de ce bassin possible de professionnels. Par contre, les provinces et territoires, de même que le gouvernement canadien ont entrepris plusieurs démarches porteuses. Ce dossier est toutefois complexe et exige d'impliquer certaines instances précises (les ordres professionnels, les entités gouvernementales responsables de l'immigration, les responsables provinciaux de la santé, etc.). Les défis de cette avenue ont été soulignés de nouveau récemment lors de l'évaluation formative du CNFS:

  • Les nouveaux arrivants éprouvent d'énormes difficultés à faire reconnaître leurs acquis en formation et leur expérience. Les démarches entreprises pour pallier ce problème sont insuffisantes;
  • Les réfugiés inscrits dans un programme d'études en santé ont souvent des passés lourds avec des séquelles profondes qui exigent que l'on mette en place une programmation de soutien spécifique;
  • Plusieurs immigrants francophones ne parlent pas l'anglais, ce qui constitue souvent une barrière à l'obtention de stages cliniques ou d'emplois dans des établissements «anglo-dominants»;
  • Les institutions doivent s'outiller davantage pour construire des ponts interculturels, mieux comprendre les cadres socioculturels des étudiants immigrés et s'assurer que les immigrants récents apprivoisent la culture francophone pour pouvoir interagir efficacement avec les patients de langue française.

De plus, il ne faut pas négliger que l'intégration de ces nouveaux arrivants doit se faire dans les deux sens. La communauté doit également faire des efforts pour intéresser et valoriser ces professionnels. Il est donc essentiel d'atténuer les diverses barrières et de développer des programmes de reconnaissance, de mise à niveau et d'intégration qui permettront de tirer parti de ce potentiel de professionnels pouvant s'établir et enrichir les communautés francophones en situation minoritaire.

Par ailleurs, pour chacune des quatre avenues précédentes, il importe aussi que des efforts importants soient faits pour que ces nouveaux professionnels de la santé désirent travailler dans les communautés francophones en situation minoritaire. Comme indiqué dans la section qui suit, il ne faut pas seulement former des professionnels, il faut également mettre en place des stratégies porteuses de succès pour le recrutement et la rétention dans les régions ayant des besoins.

2. Favoriser le placement des diplômés dans les communautés

La formation de nouveaux professionnels de la santé francophones n'aura l'impact désiré que dans la mesure où ils pratiqueront, à terme, dans une communauté francophone en situation minoritaire. Le placement dans les communautés est donc un élément clé visant à atteindre l'objectif de disponibilité de professionnels de la santé dans les communautés. Pour favoriser ce placement dans les communautés, il est essentiel de porter une attention à:

  • La proximité géographique des activités de formation;
  • La localisation géographique des stages et l'expérience vécue;
  • L'origine géographique des étudiants en formation;
  • L'existence d'incitatifs financiers et non financiers pour la coordination et l'actualisation des stages.

Des efforts importants ont été consacrés ces dernières années par les institutions membres du CNFS pour développer des stages en milieu francophone minoritaire. D'autres initiatives intéressantes (par exemple, bourse d'études d'un regroupement de médecins du Manitoba pour des jeunes sur son territoire s'inscrivant à une formation en santé et revenant pratiquer dans la région) ou de nouvelles façons de faire des établissements d'enseignement (par exemple, le Collège Boréal, dans l'implantation de programmes de formation en santé dans cinq nouvelles régions du nord et du sud de l'Ontario, ou la mise en place d'incitatifs financiers visant le retour dans la région d'origine par différentes institutions de formation, par exemple l'Université d'Ottawa) vont dans le sens souhaité, mais bien plus sera nécessaire.

La proximité géographique des activités de formation

L'expérience sur le terrain ainsi que certaines recherches ont permis de constater que le lieu des études postsecondaires était important dans le choix qu'un professionnel fait en ce qui a trait au lieu de vie choisi, une fois la formation terminée. Ainsi dans la mesure où une partie ou la totalité de la formation est donnée dans des communautés francophones en situation minoritaire, on augmente sensiblement les chances de retour/rétention dans la région. Évidemment, il est et demeurera impossible de décentraliser la formation dans toutes les communautés. Par contre, des initiatives peuvent être prises pour faciliter un rapprochement le plus fréquent possible. Comme mentionné précédemment, les institutions membres du CNFS couvrent déjà plusieurs régions réparties sur une large part du territoire canadien. De plus, certaines institutions ont posé des gestes additionnels pour délocaliser une partie de leur formation. En effet, l'implantation de programmes existants dans de nouvelles régions a permis d'accroître l'offre territoriale de formation en français. La formation à distance développée par certaines institutions membres du CNFS est une autre façon de développer l'offre de formation traditionnelle ou continue à proximité des communautés. On peut toutefois aller encore plus loin en encourageant davantage les institutions qui posent des gestes en ce sens. De plus, la médiatisation de cours existants doit être accélérée, en fonction des besoins des communautés, et faire partie intégrante de la prochaine stratégie déployée. Enfin, la considération des étudiants francophones inscrits dans des institutions anglophones constitue un autre moyen d'atteindre le résultat recherché.

La localisation géographique des stages et l'expérience vécue

Plusieurs des formations pour les professionnels de la santé nécessitent un ou plusieurs stages en institutions. L'existence de stages cliniques dans une communauté représente une stratégie gagnante pour ramener ou intéresser un étudiant à s'installer dans une communauté francophone en situation minoritaire. C'est dans cette perspective qu'à mi-parcours le CNFS avait développé 198 stages cliniques dans les communautés francophones, soit plus que le résultat final escompté (100). De plus, l'Université d'Ottawa a développé des modules sur l'Art de la supervision clinique, ce qui permet de former des précepteurs de stage additionnels. À ce jour, le programme a reçu 503 inscriptions pour le programme en ligne et 390 pour le programme en salle. Cependant, le besoin d'élargir encore les mesures de formation clinique en français ou bilingue est largement reconnu. D'une part, le nombre de stages limite encore le développement de certains programmes, d'autre part il a été difficile de trouver des lieux de stages répartis dans l'ensemble des régions d'origine des étudiants en raison d'une rareté des établissements francophones ou bilingues.

De plus, selon l'expérience de l'Association des facultés de médecine du Canada (AFMC), qui a développé un projet comportant 40 stages en communautés francophones minoritaires, les stages électifs et les stages d'été se prêtent mieux à la réalisation de stages en français dans les communautés minoritaires que les stages d'externat régulier et les résidences, puisqu'il est plus difficile d'influencer le choix du lieu de pratique des étudiants parvenus à la fin de leur formation 17. En somme, il importe de sensibiliser et intéresser les étudiants plus tôt dans leur cheminement personnel et professionnel. De plus, l'expérience de l'AFMC met en évidence l'importance que joue la possibilité de réaliser des stages dans la communauté ou la province d'origine de l'étudiant.

Pour ce faire, des partenariats entre les institutions de formation (francophones et anglophones à proximité d'une communauté francophone minoritaire) et le milieu d'accueil, soit les établissements de soins et les communautés, sont requis pour identifier les précepteurs potentiels, informer au bon moment les étudiants, développer les milieux de stages de même que former des précepteurs additionnels. Les associations de professionnels peuvent aussi jouer un rôle important dans l'identification de précepteurs potentiels et dans la participation des sites cliniques. Ce partenariat est également essentiel pour faciliter l'ouverture à la situation de santé des communautés francophones minoritaires et favoriser leur engagement commun envers les besoins de ces communautés.

L'origine géographique des étudiants

L'origine géographique des étudiants joue pour beaucoup dans le choix du lieu d'établissement. On comprendra aisément que la probabilité de placement et de rétention d'un nouveau diplômé dans une communauté en situation minoritaire sera plus forte si ce dernier est originaire de la région. Par ailleurs, on peut également comprendre qu'il n'est pas aisé pour les institutions de formation de sélectionner les étudiants en fonction des besoins de leur communauté d'origine, et que ces institutions se basent plutôt sur le dossier académique et les réalisations de l'étudiant qui soumet sa candidature. Toutefois, plusieurs expériences démontrent qu'il est possible de réserver des places pour des étudiants provenant de régions données sans effets néfastes sur la qualité des résultats ou des diplômés. Il importe que les institutions du CNFS, notamment les instances de coordination, continuent d'être sensibles à cette dimension de provenance des étudiants et poursuivent leurs efforts pour intéresser des candidats provenant de régions qui ne constituent par leur bassin «naturel» d'inscription, voire en proposant des admissions réservées dans certaines institutions membres.

Par ailleurs, il appartient pour beaucoup à la communauté et aux responsables de services de santé (y compris ceux des établissements) d'encourager les jeunes de leur communauté à développer un intérêt pour les carrières en santé.

L'existence d'incitatifs financiers et non financiers

Il est également possible d'encourager encore davantage les jeunes des communautés minoritaires à entreprendre des carrières en santé, ou encore, à revenir dans leur région d'origine en développant des mesures incitatives (bourses d'études, concours, récompenses, remboursement de frais encourus, valorisation et reconnaissance, soutien à l'intégration, etc.). Les outils financiers ont, par exemple, été considérés comme un facteur facilitant la participation des étudiants en médecine à des stages réalisés dans les communautés minoritaires 18. De plus, cette approche d'incitatifs financiers a été utilisée avec succès par certaines institutions du CNFS, ou encore, par certaines communautés 19. De plus, il importe de ne pas négliger toutes les mesures non financières qui peuvent accroître l'attrait des communautés minoritaires pour un nouveau diplômé en santé. Comme nous le verrons dans la section qui suit, ces mesures sont largement employées par les institutions pour attirer de nouveaux professionnels. Elles peuvent toucher autant l'accueil dans la communauté, l'intégration du professionnel ou de sa famille, la reconnaissance de sa contribution que le soutien à ses activités. Toutefois, ce levier, financier ou non financier, n'a pas été pleinement exploité faute de financement.

Évidemment la combinaison de plusieurs de ces mesures devient une recette gagnante: par exemple, un jeune d'une communauté que l'on intéresse à une carrière dans le domaine de la santé réalise une partie de sa formation à proximité, qui effectue des stages cliniques près de chez lui, et que l'on retient par diverses mesures d'attraction/rétention. Ce dernier point ne doit pas être négligé et fait l'objet de la prochaine section. Il importe aussi de travailler à la fois dans une approche où les institutions de formation «poussent» et où les milieux potentiellement récepteurs «tirent».

3. Attirer et retenir les professionnels de la santé dans les communautés

Les communautés devront aussi développer des moyens d'attirer et de retenir les professionnels de la santé francophones dont elles ont besoin. Les initiatives soutenues par le Plan fédéral de 2003 ont jusqu'à présent négligé cet aspect au niveau des communautés francophones minoritaires 20. Si l'on exclut les efforts de sensibilisation générale des réseaux, peu de ressources ont été spécifiquement allouées à des mesures d'attraction et de rétention des professionnels dans les communautés. Il doit être noté que les stratégies les plus prometteuses en matière de recrutement et de rétention sont intimement liés aux stratégies utilisées lors de la période de la formation et doivent s'inscrire en continuité même une fois cette formation terminée.

Pour ce faire, les communautés doivent être sensibles aux besoins et attentes autant de «l'individu» que du «professionnel». À cet égard, il est intéressant de noter les résultats d'une étude qui visait à cerner les éléments considérés comme les plus significatifs pour influencer le choix de localisation ou de relocalisation de divers types de professionnels 21. Pour les médecins, les facteurs les plus importants étaient les suivants:

  • La qualité de la pratique professionnelle (climat de travail, autonomie professionnelle et diversité des clientèles, équipements et installations physiques adéquats, charge de travail raisonnable, etc.).
  • L'accès à des activités de formation continue et de ressourcement, de rayonnement et à tout autre moyen permettant d'éviter l'isolement professionnel.
  • Les possibilités de trouver un emploi pour le conjoint et la facilité de ce dernier à s'intégrer à la vie socioculturelle sont des facteurs qui reviennent dans presque toutes les études sur le sujet.
  • L'utilisation d'incitatifs financiers pour attirer et retenir les médecins est rarement efficace seule; ces mesures sont plus efficaces si elles sont combinées aux autres facteurs d'attraction et de rétention, qui sont clairement plus importants.

En ce qui a trait aux infirmières, les facteurs les plus importants étaient reliés au poste:

  • La stabilité des postes offerts est l'élément qui revient le plus souvent; le statut à temps plein est évidemment l'option privilégiée; les postes à temps partiel permanents demeurent attrayants pour un sous-groupe d'infirmières avec des obligations familiales; les infirmières occasionnelles sont attirées par les établissements offrant des affectations stables et des garanties d'emploi pour une durée déterminée.
  • La diversité des champs cliniques permet aux infirmières d'utiliser pleinement leurs connaissances et expertises professionnelles; les emplois qui offrent une telle perspective sont préférés à ceux qui sont plus limités à cet égard.
  • Le soutien et l'encadrement professionnel ont été passablement réduits ces dernières années, avec les compressions budgétaires; toutefois, les jeunes infirmières recherchent un contexte de pratique offrant un tel soutien.
  • Le développement professionnel, la formation et les mesures de reconnaissancede lacompétence, de l'expertiseoude l'expérience sont des facteurs de rétention très significatifs.
  • La charge de travail acceptable et la participation des infirmières à l'organisation du travail sont également des facteurs de rétention jugés très importants.

En ce qui a trait aux autres professionnels de la santé, les facteurs les plus importants étaient souvent reliés à l'environnement de travail, soit: la qualité de vie dans la région, la proximité des centres urbains, le statut d'emploi permanent, le type de clientèle traitée, la possibilité de trouver un emploi pour le conjoint, de même que le coût de la vie et du logement.

Pour développer les conditions gagnantes en fonction du type de professionnels requis, les gestionnaires des services de santé, les associations de professionnels, les institutions de formation et les communautés devront donc travailler en étroite collaboration. Cet aspect est essentiel car la rétention et, comme nous le verrons dans la prochaine section, la mobilisation des individus exigent une combinaison d'éléments favorables.

4. Mobiliser les professionnels présents dans les communautés

Comme pour l'attraction et la rétention, la mobilisation des professionnels de la santé n'a pas fait l'objet d'un effort spécifique au cours de la première portion du déploiement de la stratégie. Par contre, tous les intervenants reconnaissent qu'il n'y aura une disponibilité réelle de services en français que dans la mesure où les professionnels seront encouragés à s'exprimer dans cette langue. En effet, dans certaines régions, les professionnels pouvant s'exprimer en français n'ont tout simplement pas le cadre propice pour travailler auprès de la population francophone: tâches additionnelles non rémunérées, manque de reconnaissance, risque de stagnation de carrière, manque d'aisance à pratiquer en français... Il faut éviter le plus possible que les efforts importants faits pour former et attirer des ressources précieuses soient en partie ou en totalité «perdus» faute d'un environnement propice à la dispensation des services en français.

Il importe par conséquent que tous les efforts possibles soient déployés pour créer cet environnement propice. La communauté et ses représentants (par exemple, les réseaux) doivent accorder une attention particulière aux besoins/frustrations de leurs professionnels francophones et chercher à atténuer leurs problèmes tout en valorisant leur rôle. Les institutions de santé doivent limiter les irritants liés aux tâches ou à la progression de carrière, tout en permettant d'acquérir le niveau d'aisance nécessaire pour pratiquer en français. Les associations de professionnels et les institutions de formation peuvent aussi accroître la mobilisation en jouant un rôle important dans le réseautage efficace entre les professionnels de la santé francophones et francophiles à travers le pays, et ce, par le biais de différentes activités à caractère social, de formation continue, d'échange sur les meilleures pratiques dans un contexte de communauté minoritaire, etc.

5. Sensibiliser et engager le milieu

Comme le soulignait avec insistance la stratégie de 2001, la sensibilisation et l'engagement du milieu sont absolument nécessaires à l'amélioration de l'accès aux services de santé en français et à la pérennité des efforts déployés. Les piliers identifiés à cet égard par le Comité lors de son premier rapport demeurent :

  • La concertation des cinq groupes de partenaires;
  • Le développement de relations porteuses avec les provinces;
  • Une prise en charge accrue de la communauté.

Les activités soutenues par la SSF ont permis d'amorcer un processus positif sur chacun de ces piliers.

La continuité et, dans certains cas, la bonification de ces efforts seront toutefois essentielles aux résultats recherchés.

La concertation des cinq groupes de partenaires

Le Comité demeure convaincu que l'amélioration de l'accessibilité aux services de santé en français sera d'autant plus facile qu'elle s'appuiera sur les efforts concertés de tous les grands groupes d'intervenants: les professionnels de la santé, les institutions dispensatrices de services, les autorités gouvernementales, la communauté et les institutions de formation. Un engagement important et constant de chacun de ces intervenants est nécessaire pour réduire les nombreux obstacles à une amélioration de l'accessibilité. Il est en effet maintenant largement reconnu que la gestion de plusieurs des enjeux relatifs à la santé exige une approche plus holistique et par le fait même plus coordonnée entre les divers intervenants du secteur. Il faut en quelque sorte privilégier une nouvelle approche «système» aux dépens de l'approche fragmentée traditionnelle. Cette approche s'inspire du modèle «Vers l'unité pour la santé» de l'Organisation mondiale de la santé. Le point central de cette approche repose sur la participation et le réseautage des communautés.

Or, même si elle est la voie à prendre pour assurer le renouvellement de nos systèmes de santé, la réalisation de la concertation représente des défis. Le secteur de la santé demeure encore aujourd'hui très compartimenté. Des divisions importantes existent toujours entre plusieurs intervenants du secteur (entre le curatif et le préventif, le biomédical et le psychosocial, les soins primaires et les soins spécialisés, la santé publique et la médecine, le milieu santé et le milieu communautaire, etc.). La mobilisation des acteurs, la coordination des efforts des différents partenaires, la conciliation des divers intérêts présents représentent, dès lors, des défis majeurs. Or, il est et restera très difficile, voire impossible, d'améliorer significativement la situation des communautés francophones minoritaires si chacun continue de travailler isolément. Les ressources financières, humaines et matérielles sont beaucoup trop limitées en matière de santé pour pouvoir se payer ce luxe.

Le Comité reconnaissait en 2001 que l'on ne pouvait pas réalistement compter uniquement sur le volontarisme des acteurs ou la chance pour encourager les collaborations. Les initiatives proposées de réseautage visaient à atténuer ces effets de silos. Les efforts des 17 réseaux créés ont permis à cet égard, dans chacune des provinces et territoires d'amorcer un dialogue incluant, dans la majorité des cas, tous les partenaires clés. Les intervenants concernés sont en train de créer des partenariats solides basés sur la confiance et le respect des compétences de chacun 22. Cette mobilisation a facilité le développement d'un nombre important d'initiatives pertinentes et de qualité (entre autres, les projets FASSP). Outre les tables de concertation qu'ils ont créées, plusieurs réseaux sont aussi maintenant appelés à participer à différents forums reliés à la santé des francophones en situation minoritaire dans leur province.

Par contre, il est également manifeste que cette concertation et mobilisation varie beaucoup selon les diverses communautés. La concertation ne peut être forcée, sans compter qu'elle n'est pas nécessairement un gage de succès. Afin de réussir, le réseautage doit «s'alimenter» de leadership, de détermination, de temps et de ressources. Il faut sensibiliser, convaincre, encourager, inciter et ultimement responsabiliser les divers intervenants. Divers travaux ont identifié les facteurs critiques associés aux réseaux performants. On y retrouve, notamment:

  • Un fort soutien des communautés concernées.
  • Un rôle reconnu et légitime pour chacun des intervenants impliqués dans le réseau.
  • Une orientation vers l'action et les résultats.
  • Un certain niveau d'autonomie.
  • Un flux constant de communication entre les membres.
  • Un regroupement d'individus engagés, par opposition à un simple regroupement d'institutions.

La mise en place et l'animation des réseaux sont facilitées si des intervenants présents sur le terrain en sont responsables et y consacrent le temps nécessaire, d'où l'importance accordée au soutien des coordonnateurs de réseaux. Ces responsables doivent être énergiques et dotés d'un certain nombre d'habiletés (connaissance minimale du secteur de la santé, fort leadership, capacité de négociation et de résolution de problèmes, excellent sens des communications, capacité de mettre en relation les intervenants, etc.).

La difficulté à recruter, voire l'absence de coordonnateurs de réseaux ayant le profil idéal, n'est pas étrangère au fait que le terrain parcouru diffère selon les diverses communautés. De plus, il faut aussi admettre que les enveloppes financières accordées à cette fin et les modalités inhérentes n'ont pas facilité la tâche des réseaux. Les budgets accordés se sont en effet révélés limités et les conditions d'attribution contraignantes. La mise en place d'un contexte propice à la réussite exige par conséquent d'accorder plus d'attention au profil des ressources, à la bonification de leurs compétences, au soutien technique offert, sans oublier le niveau d'autonomie de fonctionnement de ces instances.

Le développement de relations porteuses avec les provinces et les territoires

Dès le départ, le Comité a reconnu le caractère incontournable des provinces et territoires dans la réalisation de sa stratégie d'amélioration de l'accès aux services de santé en français. Cette situation découle évidemment de leur responsabilité constitutionnelle eu égard aux services de santé, mais également en raison de leur rôle crucial dans plusieurs autres champs importants pour l'atteinte des objectifs poursuivis: services sociaux, éducation, formation, réglementation professionnelle, législation linguistique, etc. Comme mentionné précédemment, le développement de relations positives et constructives des réseaux avec leurs provinces et territoires respectifs doit par le fait même être vu comme l'une des grandes réalisations du Plan de 2003.

Pour maintenir et renforcer ces relations, les réseaux devront continuer à travailler de façon étroite avec les ministères, régies ou agences régionales concernés. Ces relations seront toutefois d'autant plus solides que les réseaux seront considérés comme des partenaires pouvant aider à proposer et développer des solutions. Plusieurs représentants provinciaux ou territoriaux ont souligné l'importance qu'ils accordent à ce type de contribution, autant sur le plan de l'appréciation des activités réalisées ces dernières années que des attentes par rapport à celles à venir au cours des prochaines années. Afin d'avoir cette profondeur et cette crédibilité, il importe que les réseaux soient bien outillés pour agir à titre de conseillers, voire d'experts en matière de santé auprès des minorités francophones.

Au-delà des éléments mentionnés précédemment sur le profil des compétences et les ressources dédiées aux réseaux, il est essentiel de tirer davantage profit des expériences à succès et des meilleures pratiques existantes. Les ressources limitées des provinces/territoires et les nombreux besoins pressants dans le domaine de la santé, sans compter la possibilité d'aller plus loin et plus rapidement, exigent une plus grande circulation de l'information et une attention accrue aux solutions novatrices. Les instances nationales de coordination peuvent en partie jouer ce rôle, mais les efforts de recherche pourraient aussi être davantage dédiés à ces aspects. La recherche peut en effet s'avérer un formidable outil pour la sensibilisation et la collaboration avec les autorités gouvernementales, autant pour aider à l'établissement des priorités que pour soutenir le développement des meilleurs modèles de prestation de services. Pour qu'elle ait un impact sur l'accès aux services de santé, la recherche doit cependant être appliquée, orientée vers l'action et ancrée dans les besoins des communautés. À cet égard, on doit souligner la contribution constructive de la Commission conjointe de recherche pilotée par le CNFS et la SSF qui s'est dotée d'un cadre réunissant les chercheurs intéressés par les problématiques reliées à la santé des francophones en situation minoritaire et qui vise à ce que les travaux soutenus aident à la prise de décision. Trois thématiques ont été privilégiées: l'influence de la langue et de la culture sur la santé, les déterminants de la santé et la gouvernance (priorités, modèles de prestation de services, etc.).

Malgré cette orientation souhaitable, la difficulté à circonscrire les domaines de recherche prioritaires et à les faire reconnaître par les acteurs-clés demeure. Des efforts additionnels devront être entrepris pour préciser et faire connaître une vision de la recherche sur la santé des communautés francophones en situation minoritaire, la promouvoir auprès des chercheurs du domaine de la santé dans un contexte où ils sont très dispersés afin de les intéresser à étudier les communautés, et enfin, poursuivre la sensibilisation des organismes subventionnaires pour qu'ils soutiennent les recherches répondant aux besoins des communautés.

Une prise en charge accrue de la communauté

Il est de plus en plus reconnu que l'implication des individus et des communautés dans la prise en charge de leur santé constitue une approche plus efficiente et efficace. En ce sens, le projet Préparer le terrain,visant la planification des services par le milieu, ou les initiatives FASSP, hiérarchisées et dans plusieurs cas développées par le milieu, représentent des pas dans la bonne direction. Les plans en développement permettront de fournir une vue d'ensemble des besoins des communautés francophones minoritaires ainsi que des modèles de prestation de soins de santé adaptés à ces besoins. Dans toutes les provinces, cet effort de planification a été évalué de façon positive. Cet engagement communautaire a aussi eu des effets reliés au mieux-être des individus, c'est-à-dire qu'il a permis de développer un sentiment d'appartenance des francophones en situation minoritaire qui facilite l'entraide et la mobilisation reliée à des initiatives qui vont au-delà du système formel de soins de santé 23. Par exemple, plusieurs initiatives de sensibilisation, de prévention et de promotion de la santé ont vu le jour.

Pour maintenir et renforcer cette prise en charge, il importe que les réseaux demeurent des facilitateurs crédibles sur le plan de la planification des services et continuent de stimuler l'engagement des différents organismes communautaires de leur région.

6. Développer une offre active de services de santé

Ultimement, l'amélioration des services de santé en français doit passer par:

  • Un accroissement de la connaissance et de la visibilité de l'offre;
  • Le développement de lieux de services.

Dès 2001, il avait été reconnu que pour développer l'accès aux services de santé pour les minorités francophones, on devait non seulement travailler sur l'offre de services, mais aussi rendre cette offre plus visible, voire proactive. Plusieurs des initiatives réalisées depuis 2003 ont permis d'accroître cette visibilité. Par contre, les résultats en termes de développement de nouveaux lieux de services et de proactivité de l'offre demeurent encore limités.

Un accroissement de la connaissance et de la visibilité de l'offre

Comme indiqué précédemment, plusieurs des projets FASSP ont visé une meilleure connaissance de l'offre de services en français et une meilleure visibilité des ressources disponibles. Souvent sous la forme de répertoires virtuels et/ou papier, mais aussi en affichant mieux les ressources humaines et services francophones dans les hôpitaux, par exemple, ces initiatives ont permis aux francophones en situation minoritaire de mieux identifier ce qui s'offrait à eux. Cet effort ne doit pas être minimisé puisque ces outils s'avèrent non seulement révélateurs de l'existence ou non de services en français, mais peuvent également être utilisés comme facteur de renforcement et de valorisation des professionnels pouvant s'exprimer dans cette langue.

Cet investissement dans la collecte d'information ne produira toutefois son plein potentiel que dans la mesure où les répertoires seront utilisés et utilisables. Pour être utilisés, il importe que ces répertoires soient mis en valeur. Or, les efforts de «promotion» des répertoires ont été fort inégaux, diminuant par le fait même l'impact de cet outil dans certaines communautés. Par ailleurs, pour être utilisable, l'information pertinente doit être mise à jour de façon périodique. Cet aspect fondamental est lié aux ressources qui sont consacrées au suivi de telles initiatives. Si les autorités publiques sont évidemment concernées par ce besoin de continuité, il est également souhaitable que les communautés, les associations professionnelles et les institutions de formation soient également mises à contribution.

Le développement de lieux de services

Avec le FASSP, des ressources significatives ont été investies dans le développement de l'offre de services en français. Malgré que la plupart de ces projets ne soient pas encore achevés, on peut d'ores et déjà prévoir que plusieurs de ces initiatives auront un impact important dans chacune des communautés qui les ont soutenues et même, dans certains cas, financées. Ce succès découle pour bonne part du processus suivi, soit un engagement de toutes les parties concernées, de même qu'un alignement sur les priorités du milieu, incluant évidemment celles des provinces et territoires. Toutefois, il est aussi évident que beaucoup reste à faire pour accroître substantiellement le niveau de services en français.

Tel que souligné en 2001, les diverses communautés francophones ne peuvent toutefois pas aspirer au même niveau de services en français. La taille et la densité de certaines de ces communautés ne permettent pas le développement d'une gamme complète de services, voire même, dans plusieurs cas, d'une gamme élargie de services. Par contre, plusieurs solutions sont adaptables à des communautés de plus petite taille, particulièrement en matière de prévention/promotion et soins primaires. L'expérience des dernières années confirme de nouveau l'immense potentiel existant, et ce, sans même tenir compte des options offertes par les nouvelles technologies.

Par ailleurs, l'expérience des projets FASSP permet aussi de cerner certains défis majeurs liés au développement de nouveaux lieux d'accueil, particulièrement dans un contexte de ressources financières limitées:

  • L'importance de bien s'intégrer aux priorités des provinces et territoires. La dispensation des services de santé relève avant tout des provinces et territoires. Or, les besoins provenant du secteur de la santé sont déjà considérables et ont tendance à dépasser les ressources que les gouvernements provinciaux/territoriaux peuvent y consacrer. Il importe par conséquent que les solutions proposées pour améliorer les lieux d'accès aux services de santé en français puissent bien s'arrimer aux orientations, choix et priorités des provinces et territoires. Cet arrimage se révèle particulièrement important pour les initiatives à caractère technologique (style télésanté) et plus capitalistique (soins hospitaliers). Tel que mentionné précédemment, l'exercice Préparer le terrain peut être un excellent levier pour cerner et appuyer les choix provinciaux et territoriaux. Les projets FASSP qui ont cofinancé certaines initiatives retenues par les provinces ou territoires vont dans le même sens.
  • L'importance de développer des solutions novatrices adaptées à de petites communautés. L'engagement des provinces et territoires sera d'autant facilité si de nouvelles approches plus efficaces et efficientes sont développées. À cet égard, on peut souligner plusieurs expériences fort intéressantes qui ont cours dans diverses communautés, provinces ou territoires. On pense notamment aux services de soins primaires offerts via le système scolaire francophone, les services itinérants, ou encore, des regroupements originaux de professionnels de la santé. L'intérêt de plusieurs de ces types d'organisation de services tient au peu de ressources sollicitées auprès des agences ou ministères provinciaux/territoriaux de la santé.
  • La nécessité de mieux développer les synergies entre les diverses initiatives entreprises. Au cours des dernières années, chacune des communautés a cherché à développer ses propres initiatives. Si cette approche était utile pour amorcer un momentum, tout en mobilisant et en engageant le milieu, il importe dans les prochaines années de tirer le maximum de bénéfices de chacune des initiatives entreprises. Il faut autant que possible éviter les dédoublements d'efforts, envisager plus d'initiatives multi-communautés, bien intégrer l'ensemble des initiatives prises dans chaque communauté, étendre les projets ayant la capacité de devenir des initiatives pancanadiennes et partager mieux les meilleures pratiques ou les transferts des apprentissages.
  • La nécessité de se doter d'un processus budgétaire et d'approbation des projets plus simple et plus rapide. Le processus budgétaire retenu pour les initiatives FASSP s'est avéré dysfonctionnel sur plusieurs plans. L'approche de financement à la pièce, combiné à des modalités de paiement par ligne budgétaire a entraîné des délais majeurs de réalisation, des efforts importants consacrés à l'administration budgétaire et des allocations parfois non optimales sur le plan des résultats recherchés. Ces dysfonctionnements sont reconnus par toutes les parties, incluant les principaux responsables du dossier à Santé Canada. Il importe de corriger cette situation dans le cadre des mesures à venir.
  • Le développement d'indicateurs reliés à l'évolution de l'accès aux services de santé par les minorités francophones incluant des variables reliées à la prévention et la promotion de la santé. Le Comité a eu du mal à mesurer l'évolution de la situation depuis 2001. Ces difficultés de mesure ont aussi été vécues par plusieurs réseaux dans le cadre de l'exercice Préparer le terrain. Il importe de remédier à cette situation afin de mieux planifier et ajuster au besoin l'offre de services.

Comme on peut le constater, le Comité considère qu'un momentum favorable a été enclenché, mais que la situation en matière d'amélioration des services de santé en français demeure encore limitée. Les initiatives entreprises jusqu'à présent ont obtenu des résultats conformes aux objectifs fixés. Par contre, des efforts continus et, dans certains cas, nouveaux sont nécessaires. La prochaine section s'attarde dès lors à établir les priorités à retenir, de même qu'à résumer les recommandations principales que le Comité fait au ministre fédéral de la Santé.

Priorités et recommandations

Malgré des efforts considérables au cours des dernières années, le renouveau des systèmes de santé demeure encore aujourd'hui à l'ordre du jour de pratiquement tous les gouvernements nationaux ou régionaux, au Canada comme ailleurs dans le monde. La démographie, l'évolution des technologies, les attentes des citoyens, l'état des finances publiques, pour ne nommer que ces facteurs, continuent d'exercer des pressions considérables sur les systèmes et l'organisation des services de santé. Le Comité consultatif des communautés francophones en situation minoritaire (CCCFSM) reste convaincu par ailleurs, comme en 2001, que ce contexte difficile peut également être considéré comme une occasion d'adopter des approches innovatrices.

Le terrain parcouru depuis le dépôt du premier rapport indique que l'amélioration de la qualité des services de santé pour le million de Canadiens et de Canadiennes d'expression française vivant en situation minoritaire au Canada est tout à fait réalisable malgré les défis et contraintes associés à cet objectif. Le CCCFSM est encore plus persuadé aujourd'hui que le succès de sa démarche passe par des approches d'intervention misant sur la mobilisation et la coordination des ressources, et ce, afin de faciliter la mise en oeuvre de stratégies visant un meilleur contrôle des maladies et la promotion de la santé. Ces approches exigent par ailleurs un appui combiné du gouvernement fédéral, des gouvernements provinciaux/territoriaux, des communautés, des professionnels de la santé et des institutions de soins ou de formation. Au-delà des ajustements souhaitables et à prioriser pour faire plus, faire mieux et faire plus rapidement, le Comité a donc jugé important de réaffirmer un certain nombre d'incontournables dans la réussite de son mandat.

Les assises des orientations proposées

L'expérience des dernières années amène le CCCFSM à réaffirmer ou à identifier un certain nombre d'assises de base à la réussite de l'amélioration des services de santé pour les francophones vivant en situation minoritaire. Ces incontournables sont respectivement :

  • La mesure des résultats atteints;
  • L'implication essentielle des provinces/territoires;
  • Le rôle de levier du gouvernement fédéral;
  • L'approche collaborative entre les partenaires de la santé.

La mesure des résultats atteints

Dans le cadre de son exercice de bilan des réalisations, le Comité a été de nouveau confronté à l'absence de certaines informations de base; informations qui auraient permis d'évaluer l'évolution de la situation en matière d'accès et d'état de santé des francophones en situation minoritaire. De plus, et malgré que toutes les initiatives soutenues financièrement comportaient des objectifs définis, plusieurs résultats pertinents attendus n'ont pas fait l'objet d'objectifs explicites et, par conséquent, les données essentielles à leur mesure n'ont pas été colligées. Il importe de remédier à cette situation en définissant mieux les résultats recherchés et en se donnant en parallèle la capacité de les mesurer adéquatement. Pour ce faire, le Comité entend jouer un plus grand rôle dans la détermination des objectifs qui sont associés aux diverses initiatives financées par le gouvernement fédéral et d'établir un cadre d'évaluation globale de sa stratégie. Ce cadre porterait sur la mesure des grands objectifs stratégiques retenus par le Comité (voir page 17).

L'implication essentielle des provinces et territoires

Dans son premier rapport en 2001, le Comité avait rappelé que les gouvernements provinciaux et territoriaux étaient les premiers responsables de la gestion et de l'amélioration des systèmes de santé. Il avait par le fait même insisté sur la nécessité absolue de développer des modes de collaboration étroits avec les autorités des provinces et territoires. La conception et l'exécution des projets FASSP, où les autorités provinciales et territoriales étaient directement impliquées, la structure et les objectifs des divers réseaux créés, où l'établissement de bonnes relations avec les autorités provinciales et territoriales constituait un but explicite, voire la composition du Comité et l'élaboration de ses orientations, où des représentants provinciaux ou territoriaux sont parties prenantes, représentent quelques exemples concrets de cette volonté. Par ailleurs, il faut aussi reconnaître que plusieurs provinces ou territoires ont directement contribué à l'amélioration récente de la situation des francophones en situation minoritaire en appuyant financièrement des initiatives conjointes ou en mettant en oeuvre de manière indépendante certaines mesures porteuses. L'expérience récente confirme également que plus la sensibilité des provinces ou territoires est grande aux besoins des communautés francophones minoritaires, plus les efforts et les initiatives sont importants. Le Comité réaffirme qu'il importe de poursuivre dans cette voie et de s'assurer que les solutions proposées, notamment pour améliorer les lieux d'accès aux services de santé en français, puissent bien s'arrimer aux orientations, choix et priorités des provinces.

Le rôle de levier du gouvernement fédéral

Le gouvernement du Canada a réaffirmé récemment son engagement « à favoriser l'épanouissement des minorités francophones et anglophones du Canada et à appuyer leur développement.... ». Inutile d'insister sur l'importance de la santé dans l'épanouissement et le développement des communautés francophones minoritaires. Or, de par ses responsabilités en matière de prévention des maladies /promotion de la santé ou plus largement de santé publique, le gouvernement du Canada peut contribuer directement au mieux-être des communautés francophones. Par ailleurs, l'expérience récente démontre aussi que le gouvernement fédéral peut jouer un rôle de levier majeur encore plus important dans le domaine de la santé de ces communautés tout en respectant le partage des juridictions constitutionnelles. Les initiatives soutenues au cours des dernières années par le gouvernement fédéral ont en effet amené des investissements additionnels des provinces/territoires et des communautés, facilité la reconnaissance officielle d'instances des communautés francophones, permis une intégration des besoins de ces communautés dans la planification et l'organisation des services régionaux, sensibilisé tous les partenaires à l'importance de la langue dans la qualité des services de santé... L'appui accru de la population canadienne aux langues officielles et le large soutien aux initiatives entreprises en santé, combinés à la volonté du gouvernement fédéral de développer de nouvelles collaborations avec les provinces/territoires et à l'importance de sa contribution dans le présent dossier, font en sorte que le Comité croit essentiel que le gouvernement canadien capitalise encore sur son effet levier et assume ainsi un nouveau leadership dans l'amélioration des soins de santé aux communautés francophones minoritaires.

L'approche collaborative entre les partenaires de la santé

Tous les intervenants sont évidemment interpellés par cet ambitieux défi d'améliorer les services de santé en français. Le Comité demeure convaincu que la viabilité et l'efficacité des systèmes de santé dépendent de l'établissement d'une collaboration véritable entre les principaux partenaires. Le modèle mis de l'avant par l'Organisation mondiale de la santé, Vers l'unité pour la santé, reste tout aussi pertinent aujourd'hui. Selon ce modèle, la performance optimale d'un système de santé vers le mieux-être d'une population exige la participation concertée des cinq principaux partenaires : les professionnels de la santé, les institutions dispensatrices de services, les autorités gouvernementales, la communauté et les institutions de formation. Le bilan des réalisations des dernières années nous conforte dans la réaffirmation du caractère incontournable de cette orientation. Par ailleurs, il est souhaitable que cette approche collaborative s'exprime autant au niveau local, que régional et national.

Les recommandations et priorités retenues

Par ailleurs, l'expérience des dernières années amène le CCCFSM à réaffirmer certaines orientations prises, mais aussi à suggérer certains ajustements. En ce sens, nous recommandons plus spécifiquement au ministre fédéral de la Santé :

Recommandation 1. Poursuivre l'effort entrepris au cours des dernières années afin d'améliorer la santé des francophones en situation minoritaire. Les trois dernières années ont en effet permis d'asseoir plusieurs des conditions essentielles aux résultats recherchés. Plusieurs mesures concrètes qui mèneront à l'amélioration souhaitée sont en cours de réalisation. Un retrait même partiel du gouvernement canadien risquerait à ce stade-ci de briser le « momentum » en cours, de réduire la mobilisation du milieu, de fragiliser voire de stopper certaines initiatives, tout en irritant certaines provinces ou territoires qui se sont engagés dans des démarches structurantes avec leurs communautés francophones.

Recommandation 2. Maintenir les services de santé primaires comme priorité, de même que les aînés et les enfants comme clientèles prioritaires. Ces clientèles sont en effet les plus vulnérables et les plus affectées par l'absence de services de santé dans leur langue. Quant aux types de soins, tous les intervenants reconnaissent l'importance des services de santé primaires dans l'amélioration de la santé des individus, de même que dans la qualité ou l'efficacité du système. Les réformes récentes des systèmes de santé provinciaux ou territoriaux ont également toutes reconnu le rôle critique de ces services.

Recommandation 3. Travailler sur les cinq leviers identifiés, soit le réseautage, la formation, les lieux d'accès, la recherche et la technologie, mais en accordant la priorité aux quatre premiers. Au cours des dernières années, les efforts ont surtout porté sur les trois premiers leviers, soit ceux qui avaient le plus d'impacts immédiats sur les principaux services et clientèles ciblés. Dans une perspective de moyen terme et d'amélioration, il importe maintenant d'inclure aussi la recherche dans les leviers priorisés. Cet effort additionnel permettra de mieux mesurer les résultats atteints et de mieux caractériser les modèles de services les plus performants pour répondre à la fois aux besoins des communautés et à ceux des autorités gouvernementales responsables des services de santé.

Recommandation 4. Faire plus et, dans certains cas, faire autrement pour chacun des deux grands objectifs intermédiaires, soit l'accroissement de la disponibilité de professionnels de la santé francophones dans les communautés et l'amélioration de l'accès aux services de santé en français. En particulier, il importe de porter une attention à tous les bassins disponibles de nouveaux professionnels francophones. Le Comité continue de croire que le potentiel le plus important se situe autour des étudiants francophones qui s'inscrivent dans des programmes de formation en santé d'institutions francophones, mais un effort additionnel doit être fait au cours des prochaines années pour intéresser les étudiants francophones inscrits dans les institutions anglophones, de même que les immigrants francophiles qualifiés, à s'établir dans des communautés francophones en situation minoritaire. Dans le même esprit, les initiatives d'attraction et de rétention des professionnels de la santé doivent être accrues et, par le fait même, les efforts consacrés à l'animation et à la mobilisation du milieu de la santé se doivent d'être étendus davantage, notamment au niveau des lieux de services et au sein des regroupements de professionnels. Par ailleurs, un arrimage plus poussé est nécessaire entre les types de formations soutenus et les besoins prioritaires des communautés francophones en situation minoritaire. Enfin, le développement d'une véritable offre active de services de santé en français reste une priorité et, conséquemment, les ressources consacrées à la mise en place de nouveaux modes de livraison performants de ces services, de même qu'à la diffusion de ces modèles, doivent demeurer à la hauteur des défis à relever.

Recommandation 5. Soutenir des institutions communautaires pour atteindre efficacement les objectifs poursuivis. Jusqu'à présent deux grandes initiatives structurantes ont été soutenues : le Consortium national de formation en santé (CNFS) et la Société Santé en français (SSF). Cette double structure a été adoptée pour refléter les caractéristiques particulières des milieux de la formation d'une part, et des milieux locaux, d'autre part. Très rapidement, ces deux instances ont identifié quelques dossiers communs et ont mis sur pied des Commissions conjointes pour aborder ces enjeux. L'expérience des dernières années nous laisse à penser que cette double structure reste pertinente pour susciter l'engagement souhaité des milieux visés et faciliter l'atteinte des objectifs poursuivis. Par contre, il apparaît également évident au Comité que les dossiers communs deviennent à la fois plus nombreux et plus importants, notamment en matière de ressources humaines. En ce sens, nous croyons qu'il serait souhaitable de reconnaître explicitement ce besoin d'un arrimage étroit en fixant un certain nombre d'objectifs communs aux deux organismes.

Recommandation 6. Intégrer davantage les associations ou regroupements professionnels à la stratégie. L'accroissement du nombre de professionnels de la santé s'établissant et demeurant dans les communautés francophones en situation minoritaire exige d'établir une relation étroite et privilégiée avec les individus offrant ces services. Le CNFS et la SSF ont d'ailleurs été très sensibles à ce besoin au cours des dernières années et ont établi certains ponts dans des dossiers spécifiques. Le Comité croit toutefois important que ces relations soient plus intenses et plus continues si l'on désire mettre en place l'ensemble des conditions essentielles aux résultats recherchés. De ce fait, il apparaît souhaitable de mieux intégrer les divers ordres, regroupements, associations qui accréditent et/ou représentent les différentes professions de la santé, notamment ceux représentant les médecins et les infirmières.

Recommandation 7. Consacrer des ressources financières appropriées à l'atteinte des objectifs fixés et que leurs modalités soient simples mais axées sur les résultats recherchés. Le financement fédéral a agi comme levier important au cours des dernières années. Cette même approche est privilégiée pour la prochaine phase de la stratégie. Par contre, le processus d'approbation et de suivi budgétaire de certains programmes a été particulièrement lourd et a même eu des effets dysfonctionnels dans la réalisation de certains projets. Tout en travaillant dans le respect des lois et règlements concernant l'administration des fonds publics, les dysfonctionnements peuvent être atténués par une collaboration étroite et un bon partage d'information entre le Ministère et les institutions communautaires.

Le défi d'améliorer la santé des francophones en situation minoritaire ne peut être relevé avec succès que si les autorités gouvernementales sont ouvertes, les institutions et les professionnels de la santé sont engagés et les communautés francophones sont mobilisées. L'approche du Comité vise à développer cette dynamique de changement. Elle invite les communautés francophones en situation minoritaire avec ses partenaires de la santé à se prendre en charge et à se mobiliser en ce qui a trait à l'amélioration de l'accès aux services de santé en français dans leur milieu.

Pour réussir, elle compte sur un nouveau leadership de toutes les parties concernées; un leadership qui mènera à l'amélioration de la santé des francophones en situation minoritaire, de même qu'à un meilleur épanouissement et développement de ces communautés.

Membres du Comité consultatif des communautés francophones en situation minoritaire (CCCFSM)

Hubert Gauthier
Coprésident (partie communautaire)
Président, directeur général
Société Santé en français

Marcel Nouvet
Coprésident (partie fédérale)
Sous-ministre adjoint
Direction générale des services de gestion
Santé Canada

Paul-André Baril
Secrétaire général (partie communautaire)
Relations Réseaux et gouvernementale
Société Santé en français

Pascal Milly
Secrétaire général (partie fédérale)
Conseiller principal
Bureau d'appui aux communautés de langue officielle
Direction générale de la politique de la santé
Santé Canada

Membres de la partie communautaire

Jean-Guy Rioux
Président
Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA)

Jacques Schryburt

Retraité, Ottawa

Dr. Denis R. J. Vincent
Président, Réseau santé albertain

Anna Veltri
Collège du Savoir, Brampton

Dr. Aurel Schofield
Coordonnateur, Programme de formation médicale en français du Nouveau-Brunswick

Anne M. Leis
Professeur agrégée au Département de la Santé communautaire et Épidémiologie 
Université de la Saskatchewan

Andrée Lortie
Présidente, La Cité collégiale
Ottawa


Membres représentant Santé Canada

Frank Fedyk
Sous-ministre adjoint par intérim
Direction générale de la politique de la santé

Roger Farley
Directeur exécutif
Bureau d'appui aux communautés de langue officielle
Direction générale de la politique de la santé

Laurette Burch
Directrice générale régionale
Manitoba et Saskatchewan

Chantal J Morin
Directrice générale, Ressources humaines
Agence de santé publique du Canada

Représentants de Patrimoine canadien

Jérôme Moisan
Directeur principal
Secrétariat des langues officielles

Louise Trahan
Directrice, Concertation interministérielle
Programmes d'appui aux langues officielles

Membres représentant les provinces

Manitoba

Guy Jourdain

Conseiller spécial
Gouvernement du Manitoba
Secrétariat des services en langue française

Nouveau-Brunswick

Lyne St-Pierre-Ellis
Conseillère en ressources médicales
Ministère de la Santé et du Mieux-être du Nouveau-Brunswick

Alberta

Denis Tardif

Directeur
Secrétariat francophone du Gouvernement de l'Alberta

1 À noter qu'il existe aussi un Comité anglophone distinct pour traiter des questions d'accès aux services de santé en anglais au Québec et assurer la liaison entre le Ministère et la communautés anglophones en situation minoritaire du Québec.
2 Ce travail de recherche réalisé pour le compte du Comité a été effectué au cours du printemps et de l'été 2006 par la firme SECOR-TAKTIK.
3 Voir notamment l'annexe du Rapport FCFA, Pour un meilleur accès à des services de santé en français, 2001.
4 Source: FCFA, Pour un meilleur accès à des services de santé en français, 2001, p. ix
5 Source: FCFA, Pour un meilleur accès à des services de santé en français, 2001, p.37.
6 Au moment du dépôt du rapport du Comité consultatif en 2001, il n'existait qu'un seul réseau territorial au pays, soit le Réseau des services de santé en français de l'est de l'Ontario.
7 Decima Research, L'évolution de l'opinion publique au sujet des langues officielles au Canada, préparé pour le Commissariat aux langues officielles, septembre 2006.
8 Rapport de l'évaluation formative du Projet de formation et de recherche du CNFS, mars 2006.
9 Cette entente a eu des effets non attendus en permettant d'ouvrir des places pour des étudiants provenant d'autres provinces atlantiques (par exemple, Nouvelle-Écosse ou Île-du-Prince-Édouard) et même de provinces de l'Ouest (3 places prévues par année pour des étudiants provenant de ces provinces).
10 Voir Deuxième rapport sur la santé des francophones de l'Ontario, par le programme Recherche, éducation, et développement en santé publique et l'Institut franco-ontarien, décembre 2005.
11 Bien qu'imparfaite, cette analyse a permis de mettre à jour certaines données colligées en 2001 lors du premier rapport du CCCFSM.
12 Progrès reconnu, par exemple, dans Santé Canada, La voie de l'avenir du secteur de la santé, Bulletin de mise à jour des initiatives des Comités consultatifs des communautés francophones et anglophones en situation minoritaire, octobre 2005.
13 En juin 2000, le ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences (RHDC) prévoyait déjà les pénuries actuelles ou à venir au cours des cinq prochaines années dans les secteurs suivants: personnel infirmier, anesthésistes, chirurgiens, etc.
14 Par exemple, selon les responsables du projet FASSP réalisé par l'Association des facultés de médecine du Canada, les facultés ont en moyenne 1 à 4 étudiants par cohorte provenant des communautés francophones minoritaires (en excluant les facultés de Sherbrooke et d'Ottawa).
15 Étude sur les besoins en formation clinique et en formation continue des professionnels de la santé des communautés francophones en situation minoritaire, CNFS, janvier 2006.
16 Par exemple, plusieurs étudiants immigrants inscrits dans le programme «préposé aux soins de santé» indiquent que, une fois que ce premier certificat sera obtenu et qu'ils se seront établis sur le marché du travail, ils envisagent de poursuivre leurs études dans des programmes collégiaux ou universitaires. Source: Rapport de l'évaluation formative du Projet de formation et de recherche du CNFS, mars 2006.
17 Source : Des médecins et des soins de qualité pour les communautés minoritaires du Canada, Étude évaluative du projet, juin 2006.
18 Le remboursement des frais de transport et de logement a ainsi été identifié comme un des facteurs ayant incité des étudiants de médecine à réaliser des stages dans des communautés francophones en situation minoritaire (voir le Rapport final des activités et les résultats du projet « Des médecins et des soins de qualité pour les communautés francophones minoritaires du Canada » coordonné par l'Association des facultés de médecine du Canada, juillet 2006).
19 Mentionnons, par exemple, les professionnels d'une clinique de Ste-Anne au Manitoba qui ont couvert une partie des études de jeunes qui s'engageaient à revenir dans leur communauté.
20 Alors que ce type d'initiatives a été retenu comme un axe prioritaire par le Comité consultatif des communautés anglophones en situation minoritaire.
21 Étude de SECOR Conseil réalisée pour la Régie régionale de la santé et des services sociaux de l'Outaouais.
22 Voir, par exemple, Santé Canada, La voie de l'avenir du secteur de la santé, Bulletin de mise à jour des initiatives des Comités consultatifs des communautés francophones et anglophones en situation minoritaire, octobre 2005.
23 Il est utile de mentionner que plus de 16 000 personnes ont participé à diverses activités (sondage, groupe-témoin, assemblées publiques...) ayant mené aux plans proposés dans le cadre du projet Préparer le terrain. Cette participation a aidé à susciter une volonté d'agir, de passer à l'action chez les partenaires.

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